On ne peut pas bouder son plaisir : croiser dans la rue des visages et non seulement des yeux, ça fait du bien. Être de nouveau libres d’aller où on veut quand on veut, ce qui est rappelons-le un droit humain garanti par la Constitution, c’est d’autant plus appréciable qu’on ne peut pas dire que la restriction de ce droit ait été décidée à l’issue d’une décision démocratique. Mais pour autant, que penser de cette situation sanitaire qui voit le recul rapide, en France, de l’épidémie de Covid-19 ?
Prenons déjà la peine de vérifier ce qui donne la banane à Castex : « Nous avons eu raison de choisir la voie médiane, nous avons fait les bons choix » ; « la vaccination s’accélère » ; « nous allons pouvoir tourner la page si nous restons prudents ».
La « voie médiane » ?
Le calendrier du troisième confinement se caractérise en France par un décalage inexplicable par les données sanitaires : les décisions prises en mars auraient pu être prises dès janvier (suivant l’avis du 29 janvier du « conseil scientifique »), et le Monde a calculé (édition du 18 juin) que le coût humain de ce décalage est de l’ordre de 14 000 morts, près de 112 000 hospitalisations, dont 28 000 en réanimation et de 160 000 Covid longs supplémentaires.
Les raisons de cette décision, nous les avons déjà repérées et dénoncées : le monarque décide en fonction de ce qu’il peut valoriser, et se pose en défenseur des libertés, puis en protecteur du peuple, et relâche le confinement juste avant les élections… On verra si cette tactique qui fait passer la communication politicarde avant le bien commun aura profité à son parti ; mais il est certain qu’elle se paye en souffrances et en morts supplémentaires.
« La vaccination s’accélère » ?
À entendre cette affirmation répétée, tout le monde serait déjà protégé par le vaccin. Mais la réalité est tout autre : pour 100 personnes, 79 doses injectées en France, ce qui la place au 11e rang des pays de l’Union européenne et au 31e rang mondial. Tous les pays voisins font mieux. Mais surtout, on reste au rythme que nous avions déjà calculé, d’environ deux millions de personnes complètement vaccinées en plus chaque semaine, 18 millions au 18 juin (34 % des plus de 18 ans), donc très loin de l’immunité collective, qui devrait survenir au milieu de l’automne, si ce rythme persiste. Ce n’est pas forcément le cas : dorénavant, on voit ralentir le rythme des premières injections, et la demande risque de fléchir encore cet été. Pourtant, la vaccination massive des personnes âgées de plus de 65 ans a réduit leur part dans les hospitalisations. Il faut encourager touTEs les adultes à franchir le pas, sans contrainte ni fausse information.
« Nous allons pouvoir tourner la page » ?
Les habitantEs d’Europe occidentale, peut-être, à condition qu’un variant n’échappe pas à l’immunité donnée par le vaccin ou par une infection antérieure. Cela ne semble pas encore être le cas, même si des alertes ont eu lieu, comme aux Maldives où l’épidémie est repartie à la hausse lors de l’arrivée du variant delta (naguère « indien ») malgré une couverture vaccinale considérée comme excellente – en fait 39 % de la population vaccinée seulement, ce qui fait que l’on ne peut conclure à un échappement.
En fait, c’est là où la politique rejoint la morale, il n’est pas possible de se considérer comme tirés d’affaire sans arrêter la pandémie partout où elle se propage, avec une éradication du virus par une vaccination universelle. Actuellement, les rebonds épidémiques sont liés à la substitution de variants plus contagieux à ceux qui le sont moins, ou à l’apparition du virus, quel que soit le variant, dans des régions jusqu’à présent épargnées. Près de quatre millions de morts du fait du Covid-19 ont été recensées dans le monde, mais l’OMS estime qu’il faut multiplier par deux à trois pour obtenir la réalité de la surmortalité. En Inde, on parle de 10 fois les chiffres officiels ; au Brésil (un demi-million officiellement) de six fois les chiffres officiels… La course macabre continue.
Donc tourner la page, c’est obtenir la levée des brevets et la production de masse des vaccins, accessibles partout dans le monde. Le coût financier collectif sera dérisoire pour les pays riches au regard de ce que cela permettra d’économies au plan humain dans les pays pauvres, et la perte nulle pour les labos, qui se sont déjà largement remboursés de leurs investissements.
Une quatrième vague ?
Les événements sportifs en cours ou qui se profilent, notamment les jeux Olympiques au Japon, mais aussi l’Euro de foot ou la Copa America au Brésil, qui viennent de commencer, sont autant de prises de risques d’augmentation de l’épidémie et de diffusion de nouveaux variants. Au Japon la population est très majoritairement contre le maintien des JO, mais là-bas comme ici la santé vient après les spectacles à rentabiliser.
En conclusion, bien que la prophétie soit un art difficile, il n’y a que des raisons de croire à une quatrième vague à la fin de l’été : plafonnement de la vaccination, baisse des précautions durant l’été, extension du variant delta ou d’un autre candidat pour le supplanter, et toujours ce gouvernement qui promet de faire encore mieux en gardant les méthodes du pire, celles qui excluent la population, les soignantEs, les scientifiques, des décisions permettant d’enrayer la dynamique, et qui privilégient les choix économiques de courte vue, ceux qui protègent les intérêts privés, au détriment de la santé de la population humaine dans son ensemble, et dans le petit coin du monde appelé France. À nous de nous organiser pour arracher la levée des brevets et prévoir une organisation efficace des stratégies de lutte contre le Covid-19, au-delà de celle que nous concocteront Macron, Castex, Véran et consorts en fonction de leurs seuls intérêts électoraux.