Publié le Mercredi 3 février 2021 à 09h40.

Guerre des brevets ou guerre au Covid ?

Ainsi va le monde capitaliste. Les États et l’Union européenne ont versé des milliards d’euros aux grands laboratoires de la vaccination, en crédit d’impôt ou en pré-commande. La pandémie à Covid-19 redouble, les nouveaux variants se répandent, mais les centres de vaccination ferment faute d’approvisionnement, des usines de fabrication sont à l’arrêt, d’autres en sous-production. Gouvernements et trusts brandissent les contrats signés, mais restés secrets, et font assaut de patriotisme vaccinal.

 

Comment profiter de la pénurie ? Pfizer livre 20 % de vaccins en moins, et fait donc 20 % de profits en plus, prétextant la possibilité d’une sixième dose dans un contenant prévu pour cinq. Sanofi a ses chaînes de production à l’arrêt, faute d’avoir un vaccin à la couleur de ses profits, même s’il a touché plus de 1,5 milliard d’euros en 10 ans du gouvernement français. Il a distribué 4 milliards d’euros à ses actionnaires l’an passé et ose licencier plus de 400 chercheurEs, en pleine pandémie.

« Meilleur effort raisonnable »

L’Agence européenne du médicament vient de valider le vaccin d’AstraZeneca, moins cher et sans contrainte de conservation. Mais aussi moins efficace selon les essais cliniques. Des essais qui ont fait le choix scandaleux d’inclure peu de personnes âgées (6 % contre 20 et 25 % pour le Pfizer et le Moderna), au point que la commission de vaccination allemande déconseille l’AstraZeneca pour les personnes de plus de 65 ans, faute de preuve d’efficacité. AstraZeneca reçoit par contrat de pré-commande 336 millions d’euros de l’UE mais, prétextant une « baisse de rendement » dans son usine belge, il ne va livrer qu’un quart des doses promises. Il faut dire que Londres a été encore plus généreux en terme de subventions, et sera donc mieux servi… Il faut dire aussi que, malgré les millions d’euros déversés sur AstraZeneca, les contrats – secrets – signés avec l’UE sont bien peu contraignants : « Meilleur effort raisonnable », mais aucune obligation de livraison. ­Terrible contrainte exercée par l’UE !

Compter sur le philanthropo-capitalisme ?

Ainsi va le monde capitaliste. Les pays pauvres sont privés de vaccins, parce que ces derniers sont trop chers, protégés par les brevets qui font les profits des firmes, ou nécessitent une chaîne de froid qui rend leur distribution difficile aux pays dominés. L’Afrique du Sud fait face à un nouveau variant particulièrement redoutable, mais pénurie oblige, doit acheter ses premiers vaccins 2,5 fois plus cher que les pays de l’Union européenne ! Car le dispositif Covax de solidarité mis en place sous l’égide de l’OMS peine à démarrer, avec seulement 2,5 milliards de dollars récoltés sur les 8,5 escomptés. Les pays riches, dont la population ne représente que 14 % de la population mondiale, ont pré-acheté 12,5 milliards de doses, contre seulement 2 milliards pour ce dispositif, qui allie OMS, Bill Gates et grandes entreprises en quête de respectabilité. On ne peut compter sur le philanthropo-capitalisme pour vacciner les plus pauvres. Son objectif avoué n’est que de vacciner 10 % de la population des pays pauvres, d’ici la fin de l’année 2021.

Pour la fin des brevets et des secrets de production

Pourtant, comme l’a exprimé avec force le professeur Axel Kahn, médecin généticien et président de la Ligue nationale contre le cancer, oublier la vaccination des pays les plus défavorisés, c’est prendre un risque important pour la planète. L’émergence de nouveaux variants dans les pays défavorisés, où l’épidémie continuerait à galoper, risque de plonger le monde dans une situation dramatique. Il lance un appel à Macron pour une distribution équitable des vaccins sur l’ensemble de la planète, « sans spolier personne » !

Sans spolier personne… C’est bien le problème. Car faire des vaccins anti-covid des biens communs de l’humanité, cela passe par la fin des brevets et des secrets de production, qui font les profits des trusts, la réquisition des entreprises de la vaccination, et notamment de Sanofi, pour augmenter rapidement la production et fournir en quantité suffisante et gratuitement les peuples du monde. Le 9 décembre, à l’Organisation mondiale du commerce, le gouvernement français et l’Union européenne se sont opposés à la timide demande de l’Inde et de l’Afrique du Sud, de licences obligatoires, qui auraient permis, mais au bout de longues négociations, de fabriquer à bas coût les vaccins. Ainsi va le capitalisme et ses gouvernements !