Publié le Lundi 26 avril 2021 à 06h48.

Un an et 100 000 morts

Ça n’était pas il y a un siècle, non, juste une année : tous les jours à la même heure Jérôme Salomon, le Directeur général de la santé, avec la tête de circonstance, nous annonçait le nombre de morts causées par le COVID : en mars, ça laissait pourtant penser que ce n’était pas si grave : 1, 1, 0, 2, 3, 2, 8, 11, 3… moins que ce que provoquent les accidents de la route, nombre auquel on est si indifférent tant qu’on n’est pas directement concerné.

Et pourtant le 12 mars 2020 (15 morts la veille) Macron déclarait la guerre, se nommait dans la foulée Grand stratège et nous bouclait sans nous demander notre avis : il fallait gagner cette guerre « quoi qu’il en coûte »… On partait pour quinze jours et il a fallu deux mois pour que la première vague passe, 40 000 morts quand même. Et maintenant, nous en sommes à la troisième. Lui se garde bien de venir annoncer le bilan de la veille : un crash d’Airbus par jour, dame, ça ferait tache sur le bilan du Grand stratège, que ses courtisans continuent de présenter comme le meilleur épidémiologiste de France… Pourtant la mathématique est aussi impitoyable que le virus et, depuis six semaines, on pouvait prédire ce qui se passe aujourd’hui : la saturation totale des services de réa, les morts collatérales parce que les autres maladies ne peuvent plus être prises en charge au niveau optimal, par déplacement des personnels ou arrêts de travail massifs par burnout ou par infection au COVID, la déprogrammation d’interventions… On en sera à 100 000 morts dans quelques jours, un des pires bilans au monde, tout à fait comparable au désastre américain. Avec les mêmes inégalités de chances ici que là-bas… Les dommages sont plus importants là où on peut moins télétravailler, où l’on doit prendre le métro, où les facteurs de risque (diabète, obésité…) sont plus fréquents, l’accès aux soins plus difficile, les classes plus surchargées.

Comparaison n’est pas consolation

Macron nous dit que nos voisins ne font pas mieux. Voire : l’Allemagne est à 1 mort pour 100 000 habitants, la France 50 % plus haut. Mais surtout, il y a des pays qui ont adopté une autre stratégie, celle dite « zéro COVID », qui consiste à arrêter la transmission massive de l’infection par un confinement réel – pour éviter ce qui rend difficile le contrôle de cette épidémie, la transmission par les porteurs asymptomatiques, d’où l’importance de la fermeture des écoles et de la grande majorité de l’activité économique – durant 6 semaines environ, jusqu’à quasi-extinction des nouveaux cas pour lesquels on pratique un isolement familial rigoureux mais fortement assisté pour le rendre humainement supportable ; et à l’issue de cette période, une politique de dépistage massif, destinée à repérer tous les porteurs asymptomatiques. Et dans ces pays, il y a eu un arrêt de l’épidémie qui a permis de reprendre une vie normale. Aucun pays européen n’a choisi cette stratégie, et il faut aller en Asie, en Nouvelle-Zélande ou en Australie pour en voir le bénéfice global pour la population (et secondairement, pour l’activité économique…).

À la vitesse où l’on vaccine aujourd’hui, il faudra attendre au moins six mois pour arrêter l’épidémie – à condition que n’émerge pas une nouvelle souche virale échappant à l’immunité donnée par le vaccin. Dans six mois, l’hécatombe aura encore presque doublé. D’où la décision de réimposer un confinement, mais sans l’appeler ainsi puisque le Grand stratège ne s’est jamais trompé.

Ne pas laisser nos vies entre les mains d’hypocrites et d’incapables

Ils sont plus préoccupés de maintenir l’enrichissement des milliardaires que de protéger celles et ceux qui triment, il faut se poser deux questions : comment faire que les vaccins soient arrachés des mains des labos, pour qu’une production de masse soit organisée partout et que la population mondiale soit totalement vaccinée dans les meilleurs délais ? et quelle forme d’organisation sociale pour assurer à la fois, en attendant cette immunité de masse, une absence de transmission et un minimum de souffrance sociale ? La contrainte a été jusqu’à présent l’arme de la politique macronienne, jusqu’à la caricature donnée par les attestations sur l’honneur de deux pages qu’il a fallu supprimer le lendemain de leur publication… probablement parce que même dans les commissariats et les casernes de gendarmerie, on ne les comprenait pas !

Pour les vaccins, la réponse est claire, et elle est donnée par l’appel à la déclaration de « bien commun de l’Humanité » qui doit exclure du champ des brevets, et donc des profits, les vaccins disponibles, afin d’en organiser la production sans restriction partout où c’est possible. Il reste à l’imposer, et ce n’est pas encore gagné. La signature de l’appel est un premier pas, mais d’autres formes de mobilisation sont nécessaires, en lien avec une réponse sociale au besoin de confinement. La solidarité concrète avec les voisins peut prendre des formes variées, du coup de fil quotidien aux courses regroupées, aux cours à la maison… Chaque acte de solidarité doit se donner à voir sur les réseaux sociaux, car la solidarité peut être contagieuse, et on peut faire de la chaîne de solidarité une chaîne de mobilisation politique, pour l’inscription en masse dans les centres de vaccination, pour la disponibilité des vaccins, pour le dépistage de masse, pour l’arrêt des activités économiques non vitales…

Et de ce réseau solidaire on pourrait tirer sous peu l’outil pour combattre un autre virus encore plus menaçant : celui qui se profile avec Marine Le Pen aux commandes d’un État tellement failli que personne ne voudra plus le défendre – sauf elle, qui en ferait l’instrument d’une domination encore plus mortifère que la COVID.