Publié le Jeudi 16 septembre 2010 à 13h24.

Après le 7, on continue !

Grève chez les précaires

Difficile de faire grève quand on est précaire. Et pourtant ils sont là ce matin, les salariés et salariées précaires de l’Associatif éducatif et culturel de Perpignan. Des CDD, pour la plupart, à temps partiel ou à plein temps, regroupés sous le drapeau du syndicat qu’ils ont créé, il y a tout juste un an. Isolés dans des petites structures, ils ont décidé de se regrouper pour se battre. « J’ai plus à perdre si cette réforme passe, que le salaire d’une journée de travail » dit une gréviste. Elle est en sursis, son contrat ne sera pas renouvelé. L’association pour laquelle elle travaille va disparaître. Elle sait qu’en tant que précaire et femme, cette réforme est doublement injuste pour elle. « Nos emplois, nos salaires, font nos retraites », lit-on sur un panneau. Et c’est vrai qu’avec les baisses des subventions aux associations, nombre de ces salariées précaires vont se retrouver au chômage d’ici peu. La municipalité préfère investir dans des caméras de surveillance, abandonnant celles et ceux qui par leur travail créent du lien social dans les quartiers. Certains, déjà au chômage, sont aussi venus. Il y a beaucoup de monde, entre 15 et 20 000 manifestants. Plus loin défilent les assistantes à domicile. On annonce 15 % de grévistes dans ce secteur, un chiffre jusqu’à ce jour inégalé. Dans le cortège, les discussions s’enchaînent. Et après ? Et demain ? Tout le monde sait qu’une journée de grève, même réussie, ne suffira pas à faire plier le gouvernement. La reconductible ? Une nouvelle journée plus forte ? On en discute, l’envie de continuer est là. Ce sera dur pour les précaires. Financièrement insupportable. On parle de solidarité financière, de caisse de grève... ils ne savent pas. Le 23, seront-ils là encore ? Certains viendront, ils poseront une journée de congés. Très peu feront grève. Sabine, Perpignan

La presse sous pression

C’est sous la pression et à la dernière minute que la fédération CGT du Livre a publié un communiqué évoquant la grève et la non-parution des titres. Mais, sans rien organiser, ni même rendre compte, après la journée du 7 septembre, des actions réellement tenues. Du coup, il est très difficile d’avoir une vision précise sur le plan national. En Aquitaine et en région parisienne, l’appel bien réel des syndicats régionaux à la grève a été peu suivi dans les industries graphiques mais efficace en presse. Pas de Sud-Ouest ni de quotidiens nationaux. L’Alsace n’est pas parue non plus. En presse parisienne, la situation est toujours rendue difficile car le syndicat CGT des rotativistes (SIP) maintenait une nouvelle fois ses syndiqués au travail ! Même situation pour le syndicat Info’Com-CGT des salariés dans les centres éditoriaux de presse et pour le  syndicat des correcteurs CGT, présents dans les rédactions alors que même FO au Parisien appelait à la grève… Un certain nombre de camarades de ces syndicats avaient « les boules » mais n’ont pas osé braver les consignes de leurs dirigeants qui sont aussi les principaux dirigeants de la fédération. Pour le 23 septembre, faire venir à la manifestation tous les délégués des petites entreprises hors secteur presse serait déjà un progrès. Pour sa part, le syndicat général du Livre parisien (SGLCE-CGT) appelle à une nouvelle assemblée générale des délégués le 20 septembre pour décider (probablement) de répéter la grève avec non-parution des quotidiens. Nous interviendrons pour proposer de continuer, dès le 24, la mobilisation sous la forme de blocage de deux titres nationaux de presse quotidiens par jour.Jean-Yves Lesage, délégué syndical CGT, imprimerie

Ford Blanquefort

C’est dans un contexte très difficile pour l’usine que nous avons manifesté mardi 7 septembre. Nous étions entre 300 et 400 salariés sur un effectif de 1 500. Le cortège était animé par une équipe militante CGT qui garde le moral : slogans, chants avec sono. Pourtant, il n’y a pas eu tant de discussions que ça les jours qui ont précédé la manifestation. Seule la CGT, sur les cinq syndicats présents sur le site, avait appelé à la grève et distribué des tracts pour la manifestation. Mais cette journée a été bien médiatisée et cela a bien aidé à la mobilisation. Pour notre usine, le climat social général est important car il peut redonner la pêche et aider les équipes militantes qui « galèrent » pas mal ces derniers temps. Car l’actualité de l’usine, c’est la menace d’une fermeture et de suppressions d’emplois dans un avenir proche. Dès l’année prochaine, nous n’aurons plus de travail car l’arrêt de la production de boîtes de vitesse pour Ford est prévu pour mi-2011. Suite au scandaleux désengagement de Ford, la reprise de l’usine l’année dernière par le groupe allemand HZ se révèle être un échec complet, prévisible bien sûr. Du coup, la résignation domine. Les syndicats glissent vers la demande de négociation des conditions financières d’éventuels plan de suppressions d’emplois. Seule l’équipe CGT résiste et maintient le cap de la bataille pour la sauvegarde de tous les emplois. Réaliste ou pas, il n’y a aucune raison de lâcher. Alors oui, le succès des manifestations du 7 et la perspective de celles du 23 font du bien au moral. On se dit que finalement il y a de l’espoir.Correspondants

SNCF : après le 7 septembre, généralisons la grève !

À la SNCF, la journée du 7 septembre a été un succès. Selon le décompte de la CGT, une majorité (51,8 %) de cheminots était en grève. Même la direction reconnaît que les agents d’exécution étaient majoritairement en grève. Signe que le climat change, de nombreux grévistes, notamment non syndiqués, se sont déplacés pour aller grossir les rangs des manifestations. Ils étaient bien plus que lors des dernières journées d’actions. L’idée qu’un « tous ensemble » est nécessaire pour faire reculer le gouvernement est largement répandue chez les cheminots. Il est admis qu’il faudra aller au-delà de quelques journées de grève de 24 heures, aussi réussies soient-elles, pour imposer le retrait du projet de loi. Les cheminots mobilisés insistent sur le fait qu’ils veulent s’inscrire dans un mouvement d’ensemble. En substance, ils disent : la grève ne doit pas être celle des seuls transports, mais de l’ensemble des salariés. Il nous faut en effet pousser dans le sens de la généralisation de la grève. À ce jour, malgré les hésitations que les militants ont pu ressentir – le privé va-t-il se mobiliser ? Cette nouvelle journée d’action ne sera-t-elle pas un coup d’épée dans l’eau ? etc. –, les chiffres de grévistes montrent que les cheminots constituent un des secteurs les plus mobilisés. Bon nombre d’équipes syndicales influentes, en particulier au sein de la CGT et de SUD-Rail, sont conscientes qu’il faut aller dans un futur proche, vers la grève reconductible, le blocage prolongé de l’économie pour faire plier le gouvernement. Une grève des cheminots bien préparée, déterminée, contrôlée par la base, avec le poids économique qu’ils représentent peut y contribuer. D’autant plus que la SNCF est une entreprise étendue nationalement, ce qui peut permettre d’ouvrir des perspectives d’extensions dans l’ensemble du pays. Force est de constater que les fédérations syndicales de cheminots ne prennent pas d’initiatives dans ce sens et se contentent de suivre les consignes de l’intersyndicale confédérale, qui se montre très hésitante à aller à l’affrontement avec le gouvernement. Un nouvel appel à la grève a été lancé par les fédérations de cheminots CGT, Unsa, SUD Rail et CFDT pour la journée interprofessionnelle du 23 septembre. SUD-Rail entend déposer un préavis de grève reconductible à compter de cette date. Au sein de la CGT-cheminots, à l’image des discussions qui ont lieu dans l’ensemble de la CGT, la pression se fait sentir pour que celle-ci contribue à la construction d’un tel mouvement. Dans ce contexte, les assemblées souveraines des grévistes, les discussions et les décisions prises en commun, l’organisation que sauront se donner les grévistes et tous les militants du mouvement, par-delà les rivalités d’appareil, seront indispensables pour offrir une perspective de victoire. Car il n’y a que la lutte et la mobilisation la plus large des travailleurs qui pourront nous permettre de gagner. Axel Persson

Air France : vers la vitesse de décollage

À Air France, la grève du 7 septembre a été bien suivie, notamment dans les secteurs les plus touchés par la pénibilité du travail : la maintenance et les services d’assistance. C’est là que les salariés connaissent les dégâts de la pénibilité, celles de camarades de travail vivant peu de temps en bonne santé après leur départ à la retraite. Une pénibilité liée dans « l’industriel » à la toxicité de produits comme le skyrol et les éthers de glycol, en piste avec les dos cassés des bagagistes et le travail en horaires décalés par tous les temps. Aussi, la volonté d’en découdre pour le retrait du projet de Sarkozy est largement présente, même si peu de syndicats poussent réellement à l’action. Après la grève du 7, cette semaine aurait évidemment été un meilleur tremplin pour étendre le mouvement, pousser à des grèves prolongées dans les différents secteurs. Mais le 23 sera, nul n’en doute, très largement suivi. D’autant plus que cette question de justice sociale pour les retraites fait écho à Air France et dans les entreprises des platesformes aéroportuaires avec celles des effectifs et des salaires. La baisse d’activité de 2008/2009 a servi de prétexte pour dégrader les conditions de travail, baisser les salaires en les faisant traîner derrière l’inflation. Autant de motifs de mécontentement et de raisons de partir en grève. Et n’oublions pas qu’à Air France, les hauts cadres bénéficient, eux, d’une retraite chapeau qui leur garantit des revenus équivalent à 40 % de leurs derniers salaires. Ainsi, Jean-Cyril Spinetta bénéficie d’une pension supplémentaire de 300 000 à 400 000 euros par an payée par le travail des salariés de la compagnie. Léon Crémieux

Seule en grève dans ma boîte...

Lundi 6 septembre, avant de quitter le boulot, je préviens mon chef n+1 que je ne serai pas là le lendemain matin : « Je veux aller à la manifestation ». « Sur les retraites ? », il réfléchit... « En fait, tu vas faire grève ? » Exactement ! Je vais faire grève, truc de dingue ! Mardi 7 septembre, 10 heures : je retrouve des collègues sous la banderole de la boîte. Moins d’une centaine pour 6 000 salariés, soit même pas 2 %. Il y a surtout des délégués syndicaux. L’ambiance est sympa.Vers 13 heures, trempée, je retourne au boulot. Je tombe sur un collègue. Il est au courant que j’ai fait grève, « trouve ça bien, le faisait il y a quelques années, c’est vraiment nul de s’écraser comme ça sans rien faire et puis, finalement, tu seras convoquée par le chef n+3 et voilà... » Globalement l’accueil des collègues est très positif. Tout le monde sait que je suis allée à la manif, veut savoir s’il y avait du monde. L’un d’eux me dit que s’il avait su, ça l’aurait peut-être motivé, un autre que je suis son « idole » d’avoir osé le faire et me paye le café ! Mon chef n+2 veut me parler. Il a prévenu mon chef n+3 parce que ce « cas » ne lui était jamais arrivé (ça doit faire au moins dix ans qu’il est chef) et qu’il ne sait pas comment faire... Il me rassure : « Je n’ai rien contre le fait de manifester ses opinions, pour la hiérarchie directe ça ne pose pas de problème grave, d’autant plus que ce n’est pas contre la boîte. Par contre, les ressources humaines ne sont pas très « souples », les opérateurs qui débrayent ont ensuite des difficultés pour évoluer, et du coup c’est comme tu veux : soit tu poses une demi-journée de congé, soit pas. » Cela me laisse toute la nuit pour y penser... Je pars du boulot à 21 heures.C’est horrible : je suis soulagée que les directions syndicales n’appellent pas avant le 23. Si je suis toute seule, je crois que je n’irai pas. Si une ou deux autres sont motivées, c’est bien... Mais ça va commencer à être chaud : je ne suis pas sûre que mes chefs apprécient la contagion. Alice Prunet, entreprise métallurgie du Sud de la France

Montreuil

Au lendemain de la grande manifestation du 7 septembre, le meeting du Collectif unitaire a rassemblé près de 1 000 militants à Montreuil. L’ambiance était un peu plombée par la nouvelle de la date choisie par l’intersyndicale pour la prochaine journée de grève et de manifestations nationales, le 23 septembre. Malgré tout, la plupart des militants ont résisté au (trop) long défilé des 22 intervenants. Les deux « pauses » vidéos illustrant joliment les propos des orateurs ont permis à tous de souffler un peu. L’alternance des représentants des partis politiques de gauche, des organisations syndicales et du mouvement social illustrait le partage des tâches que certains voudraient voir intouchable entre partis et syndicats. Une entrée en matière virulente par le représentant de la Fondation Copernic tentait d’effacer la désillusion provoquée par l’annonce des décisions de l’intersyndicale. Pourtant, chacun s’accordait à reconnaître que, d’une part, la question des retraites, « mère » de toutes les réformes, est bien une question politique et que, d’autre part, beaucoup des participants à la mobilisation du 7 septembre n’avaient pas que la question des retraites en tête. L’affaire Woerth-Bettencourt, les salaires, les conditions de travail et les suicides, les suppressions de postes et fermetures d’entreprises alimentent la colère et posent la question de la légitimité de ce gouvernement, non seulement à s’attaquer à notre système de retraites mais à gouverner tout simplement. Car, au-delà du constat commun, se font jour des réponses différentes. Certains sont partisans d’accumuler le mécontentement et le rejet du gouvernement en prévision des échéances électorales de 2012. Les autres veulent que ce soit la mobilisation des salariés, de la population, qui, dès maintenant, impose le retrait du projet de loi et la mise en question de la légitimité du gouvernement. Reste encore à se mettre d’accord sur la tactique de luttes. L’appréciation du report au 23 septembre de la prochaine initiative nationale par l’intersyndicale illustrait les désaccords : priorité au maintien de l’unité pour les représentants de la FSU ou de l’Unef, critique ouverte avec refus de signer la déclaration finale pour Solidaires, respect des décisions de l’intersyndicale pour le PCF, le PS, les Verts ou la Gauche unitaire, et refus de se laisser enfermer dans ce calendrier pour le NPA. Au total, avec une fin de meeting dynamisée par les interventions de Gérard Filoche et Olivier Besancenot, tout le monde s’est accordé à faire du 15 septembre une journée relais de la mobilisation avant de submerger le pouvoir lors de la journée du 23 septembre et jusqu’à la victoire finale. Avec la dénonciation de l’illégitimité du gouvernement, le « tous ensemble » pour le retrait de son plan sur les retraites a fait l’unité. Robert Pelletier

Clermont-de-l'Oise

Le 8 septembre, les organisations politiques, syndicales et associatives de gauche de l'Oise se sont rassemblées à Clermont-de-l'Oise pour un grand meeting unitaire. Devant près de 350 personnes, se sont succédé Attac, la LDH, la Gauche citoyenne, la Gauche unitaire, la CGT, l'Unsa, la FSU, Europe-Écologie, le PG, le PCF, le NPA, le PS et le Parti radical de gauche (PRG). Deux tables rondes ont été organisées, l'une portant sur les suites à donner à la mobilisation du 7 septembre, l'autre sur les projets alternatifs à la contre-réforme du gouvernement. Étant donné le panel très élargi des organisations, les revendications n'étaient pas toujours aussi audacieuses d'unE intervenantE à unE autre. Ainsi, Michel Français, député PS, a solennellement promis qu'en cas de victoire en 2012, le PS reviendrait à la retraite à 60 ans... sans préciser à quel taux. Marie-George Buffet a reconnu que le gouvernement Jospin – dont elle faisait partie – aurait dû revenir sur la contre-réforme de 1993 et que cette erreur n'était plus à reproduire. Le PRG a même évoqué la capitalisation des pensions pour les hauts revenus. L'unité portait donc essentiellement sur le symbole du départ à 60 ans. Par ailleurs, les intervenantEs ne s'étant pas concertéEs avant leurs prises de parole, personne n'a évoqué la grève générale, bien qu'elle soit revendiquée par nombre d'organisations, dont le NPA. Cependant, ce meeting a permis d'entendre des propositions et des analyses souvent complémentaires, notamment sur la répartition des richesses et le financement des retraites. L'occasion pour Attac de démontrer que les 30 milliards d'euros « manquants » pour financer les retraites correspondent à l'écart des recettes de l'État entre 2008 et 2009. Pour le NPA, Léon Crémieux a rappelé l'urgence de revenir sur toutes les contre-réformes des retraites depuis 1993, voire au-delà : retraites à 60 ans à taux plein et 55 ans pour les carrières pénibles, après 37,5 annuités maximum. Le meeting s'est conclu sur la nécessité de mobiliser les jeunes (très peu nombreux dans la salle) pour gagner la bataille pour les retraites. Il fut aussi l'occasion de condamner la politique xénophobe du gouvernement, en rendant hommage aux grévistes et familles sans papiers de l'Oise, présents ce soir-là. Gilles Pagaille