Publié le Lundi 18 juillet 2016 à 15h23.

Bouches-du-Rhône (13) : La criminalisation de la lutte, tout un système

Les premières semaines de lutte contre la loi travail ont été marquées par une criminalisation sans précédent des militantEs mobilisés au quotidien. Outre la violence hallucinante des forces de l’ordre, le vocabulaire méticuleusement choisi par le gouvernement a fait des ravages.

L’histoire a déjà été relatée dans ces colonnes, les Bouches-du-Rhône ont été le théâtre de nombreuses actions de blocage... et d’une violence assez incroyable de la « force publique en réponse ». Après l’attaque en règle de la maison des syndicats et le gazage de militants retranchés à l’intérieur, deux accidents graves avaient eu lieu le jeudi 26 mai, envoyant trois camarades à l’hôpital.

Outre la stupeur faces à ces actes délibérés, la colère est grande de voir que ces attaques s’étaient déroulées dès lors que dans les médias, les élus de tous bords avaient entamé une logorrhée sans fin contre les militantEs en lutte. Le champ lexical utilisé est alors bien connu : « terroristes », « voyous », « danger », « irresponsables », « preneurs d’otages »… Jusque-là, ce vocabulaire servait surtout pour installer une islamophobie rampante. La méthode ayant fait ses preuves, le gouvernement l’a donc employée à nouveau et ce quasi spécifiquement contre la CGT.

Effet immédiat

Lancée dès le lundi soir, la campagne de criminalisation va très vite payer... Le jeudi, un poids lourd fonce sur un barrage filtrant à Vitrolles et deux heures plus tard, un jeune automobiliste renverse un camarade à la fin d’une manifestation à Fos. Leurs blessures sont graves : un bras écrasé, deux talons cassés, des jambes intégralement contusionnées, et pour le dernier un traumatisme crânien si important que les séquelles neurologiques s’annoncent terribles. Bien sûr, dès le lendemain, la presse fait écho des accidents... et des automobilistes « exaspérés », des gens « pris en otage »… On attend toujours une condamnation de la préfecture, un rappel à l’ordre face à ces deux agressions…

Justice de classe

Pour les deux camarades ayant été écrasés à Vitrolles par un poids lourd, le procès arrive vite. Ils ont vécu une expérience atroce. Au-delà de la douleur physique, ils racontent tous les deux la même chose : un 44 tonnes leur fonçant dessus, leurs efforts pour ne pas passer complètement sous les roues, leur certitude de mourir… Mais en terminant sa course folle, le chauffeur du poids lourd a été intercepté par des militants présents qui sous le coup de la colère l’ont quelque peu molesté. Il n’en a pas fallu plus pour la juge aux manettes du dossier, écoutant à peine les témoignages des victimes. Ses mots ont été clairs : les voyous de la CGT qui prennent en otage le « pauvre » chauffeur du camion qui « lui ne recevra pas d’indemnités »… Le procureur réclamera 300 euros d’amende et 6 mois de suspension de permis. L’homme est pourtant récidiviste. Une semaine plus tard, le jugement tombe : relaxe totale du chauffeur !

La pression paye encore

Pour les camarades, c’est donc la double peine : être atteints physiquement et se voir refuser le statut de victime. Le tollé est général ! Les communiqués de dénonciation de cette mascarade judiciaire pleuvent. Après plusieurs jours de pression, le procureur de la République fera appel de cette relaxe… La pression a été forte, elle a au moins permis de retourner devant la « justice ».

Le jour de la relaxe du chauffeur, les deux policiers étaient également relaxés dans le cadre de la mort de Zied et Bouna, et un procureur réclamait de la prison ferme contre Jean-Marc Rouillan pour trois mots prononcés sur une radio locale…

Véro du 13