Publié le Mercredi 17 juin 2009 à 08h32.

Cremonini : « Nous avons installé un rapport de forces » 

Après quatre semaines de grève, les salariés de Cremonini (restauration ferroviaire) ont fait reculer la direction. Hervé Le Hyaric (syndiqué FO) et Véronique Di Meo sont steward et hôtesse à Marseille dans les wagons-restaurants des TGV. 

 

Le 1er mars, l'entreprise italienne Cremonini remplaçait la Compagnie des wagons-lits, après avoir remporté l'appel d'offres lancé par la SNCF pour la gestion de ses wagons-restaurants dans les TGV.

Pour quelles raisons la SNCF a choisi Cremonini et comment s'est passée l'arrivée de la nouvelle direction?

Véronique - Cremonini a été choisie par la SNCF en octobre dernier. Nous avons immédiatement fait deux jours de grève contre ce choix.

Hervé - Cremonini avait une mauvaise réputation, puisqu'elle gérait déjà d'autres secteurs de la restauration à la SNCF. La SNCF a choisi le moins6disant avec Cremonini? qui ne demandait que 23 millions d'euros pour ce marché, contre 80 pour Wagons-lits.

Véronique - Dès l'arrivée de Cremonini, les sanctions disciplinaires ont commencé à tomber. Le nombre de mises à pied conservatoires a augmenté jusqu'à une par jour. Des mises à pied pour des fautes réelles, mais vraiment bénignes. Ils ont cherché à nous pousser à la faute avec un service de contrôleurs des commerciaux se faisant passer pour des clients.

Hervé - Il n'y a pas eu finalement de véritables sanctions, si ce n'est quelques avertissements. La direction a cherché à nous mettre la pression par une véritable tentative de mise au pas.

Véronique - Il faut ajouter à cela une baisse de qualité du service. Depuis la mise en place d'une nouvelle carte, les ruptures de stocks sont fréquentes. Avec le partage du marché en deux, puisque Wagons-lits a gardé celui du service du ravitaillement des trains en gare, il arrive qu'il manque la moitié des produits. 

Comment la grève s'est-elle déclenchée?

Hervé - En avril la direction a voulu mettre en place une planification d'optimisation des personnels pour augmenter la productivité.

Véronique - En 2000, lors de la mise en place des 35 heures, en échange de l'annualisation du temps de travail, nous avions négocié une sixième semaine de congés et un temps de travail de 140 heures par mois. Comme nous avons perdu beaucoup lors de cet accord, la planification passant de six mois à quatre semaines, des usages tacites se sont mis en place. Les agents pouvaient choisir leurs trains et faisaient, de fait, moins de 140 heures par mois. Avec ces usages, la direction de Wagons-lits était gagnante et assurée d'une certaine paix sociale.

Hervé - La nouvelle direction, elle, a décidé de revenir sur ces usages et d'appliquer à la lettre l'accord de 2000. 

Quelles étaient vos revendications?

Hervé - Nous demandions en plus du respect des accords d'entreprise et du statut des salariés, y compris pour les nouveaux embauchés, le respect des organisations de travail, le maintien du niveau de rémunération et le respect de représentation des personnels. En arrivant, Cremonini a dénoncé tous les mandats des représentants syndicaux. Nous n'avons donc actuellement plus de comité d'entreprise (CE). 

Comment s'est déroulée la grève, qui a duré 25 jours?

Hervé - La grève a commencé le 11 mai, date de début d'une nouvelle planification mensuelle. Nous sommes partis en grève reconductible1, mais nous ne pensions pas qu'elle durerait autant. Les négociations ont été longues à se mettre en place, la direction mettant beaucoup de mauvaise volonté pour nous rencontrer. Elle ne comptait pas sur notre détermination.

Véronique - Après un rassemblement devant le siège de Cremonini, la direction a assigné 23 grévistes au tribunal de grande instance de Paris pour « voie de fait ». L’audience a débouché sur la désignation par le juge d'un médiateur, Alain Gouteraux, du ministère des Transports.

Hervé - Les négociations ont débuté avec ce médiateur et, en trois jours, tout était réglé. Ils ont reculé sur tous les points. C'est la mobilisation massive des grévistes pendant près de quatre semaines qui a pu faire reculer une direction réputée pour ne jamais céder aux revendications des salariés. Sur les 1300 salariés de Cremonini dans les TGV, 60% se sont mis en grève.

Véronique - Mais nous n'avons pas gagné à 100%. Nous savons qu'un plan social se prépare, dont on aurait pu demander l'annulation. Nous aurons de nouvelles élections professionnelles en septembre et un nouveau CE. Ce plan social sera annoncé lors de ce prochain CE. Mais nous avons désormais installé un rapport de forces pour nous y opposer. 

Propos recueillis par Guillaume Andreux 

1. A l'appel de l'intersyndicale (CFDT, CGT, FO, SUD).