En barrant, le 19 octobre, l’entrée du centre de traitement des déchets d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), le plus grand d’Europe, en plein milieu du mouvement sur les retraites, le syndicat CGT des éboueurs parisiens a visé juste. Juste, parce qu’à ce moment-là, la Ville de Paris, présidant le syndicat de traitement des ordures ménagères, ne pouvait pas, comme elle l’avait fait il y a quelques années, demander à la police d’intervenir. Juste aussi parce que cette occupation pouvait servir de point d’appui à d’autres secteurs pour agir à leur tour, comme le proposait le syndicat. Le scénario ne s’est pas réalisé, mais l’idée était bonne. En témoigne le blocage de l’incinérateur de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) pour lequel la Ville de Paris a demandé au préfet d’intervenir. La force du mouvement reposait d’abord bien évidemment sur le fait que deux ans de travail supplémentaires sont particulièrement insupportables dans ce travail difficile. Mais elle se fondait aussi sur la lutte menée depuis plusieurs mois par le syndicat pour l’augmentation des salaires, en particulier en fin de carrière. L’occupation n’aurait pas été possible sans les nombreux soutiens qu’ont eu les éboueurs : l’intersyndicale de la Ville de Paris, les communaux de la région parisienne et les partis à gauche du PS. L’ambiance était chaude autour de l’usine, de la chaleur du feu mais aussi de la solidarité de ceux qui osent se battre. L’action a été renforcée par la reconduction quotidienne de la grève (au moins 55 minutes par jour) par une minorité de grévistes soutenus par leurs collègues de travail participant massivement aux journées d’action. La mairie de Paris n’a pas ménagé ses forces pour combattre le mouvement, faisant appel aux entreprises privées qui ramassent la moitié des ordures ménagères à Paris. Le maire de Paris, qui en dix ans n’avait jamais reçu les syndicats pendant une grève et restait sourd aux demandes de rendez-vous de l’intersyndicale sur les retraites, a été obligé de recevoir la CGT des éboueurs et de céder, après 21 jours d’occupation. La Ville de Paris, dans le cadre du statut spécifique dont elle bénéficie, a créé un nouveau grade pour les éboueurs qui leur permet de bénéficier en fin de carrière d’une augmentation de 106 euros bruts.