Mardi 29 mai, les égoutiers et les personnels qui travaillent en réseau souterrain d’assainissement sont en grève pour exiger notamment le droit de partir en retraite à 50 ans. Première grève de ce secteur, convergence avec les salariés du nettoiement de la ville de Paris, première grève nationale depuis la victoire de Hollande: ces trois éléments permettent de mesurer la détermination et la combativité des salariés. Régis Vieceli, Secrétaire général CGT du nettoiement, a répondu à nos questions.
Les revendications semblent convergentes mais pas forcément identiques entre les égoutiers et les éboueurs, peux-tu nous expliquer?
On n’est pas sur les même revendications, nous restons sur Paris alors qu’ils sont sur un mouvement national. Au niveau de notre employeur parisien, on peut faire bouger les lignes sur les salaires, l’emploi et les conditions de travail, mais pas sur les retraites. Par contre, leur mouvement étant national, ils essaient de faire bouger les lignes au plan national en demandant à être reçus par un ministre. Les personnels qui travaillent dans les réseaux souterrains ont une espérance de vie de 17 ans de moins que le reste de la population. La réforme Sarkozy leur a allongé le temps de travail de 2 ans (comme pour tous les salariés de France). En même temps, nos revendications sont convergentes car nous on est sur le même créneau sur les retraites sauf qu’au niveau national, on n’est pas encore prêts à faire quelque chose de plus important qu’aujourd’hui. Donc, on y travaille au niveau fédéral pour qu’à l’automne on ait enfin quelque chose de central et national, où la question des retraites sera bien entendu abordée. Dans le secteur du nettoiement, on a je pense beaucoup milité contre la réforme des retraites, je rappelle quand-même qu’en octobre-novembre 2010, c’était chez nous quatre semaines de grève, dont 3 semaines d’occupation d’une usine de traitement de déchet, à Ivry.
Combien de personnes sont en grève aujourd’hui?
Dans le nettoiement, on est à 30% de grévistes sur Paris, ce qui représente 700 éboueurs en grève, une centaine de chefs d’équipe, un peu de maîtrise, donc c’est bien. Ça aurait pu être mieux, je pense que l’effet Hollande et ses annonces selon lesquelles il va recevoir aujourd’hui même, le 29, l’ensemble des organisations syndicales pour préparer une conférence sociale mi-juillet, ça fait peut-être un peu ralentir l’action. Mais il y a des choses que disent les ministres, notamment Lebranchu qui dit «on ne va pas augmenter le point d’indice» qui fait notre fiche de paye, qui ne vont pas tenir longtemps. A mon avis, dans les semaines qui viennent, en tout cas à l’automne, il y aura quelque chose.
Du coup, y a-t-il un rapport entre cette grève et le résultat des élections présidentielles?
Je ne peux pas parler au nom des égoutiers qui construisent leur lutte depuis plus de 3 ans, donc bien avant la victoire de Hollande. En même temps, Hollande a annoncé des choses sur la retraite qui ne nous vont pas. C’est un petit pas en avant, mais tant que la réforme Sarkozy et les précédentes ne seront pas tombées, cela n’ira pas.
Pour le syndicat CGT du nettoiement, cette grève a clairement un lien, c’était voulu. On a décidé du préavis de grève la veille du premier tour, et on l’a déposé le lendemain du résultat du premier tour. Le problème est qu’il y a urgence dans ce pays à augmenter les salaires, à avoir une fonction publique de qualité, donc avec des fonctionnaires en nombre, etc. Ce n’est pas en parlant de croissance abstraitement qu’on va relancer les choses: il faut embaucher, et augmenter les salaires!
Cette référence à la croissance renvoie aux déclarations de Hollande sur le nouveau traité européen. Qu’en penses-tu?
Hollande a fait de grandes promesses, en même temps on est le 29 mai 2012, et j’ai le souvenir que le 29 mai 2005 il y a 55 % des Français qui ont voté contre le Traité Constitutionnel Européen. Donc, cette grève des égoutiers et du nettoiement de Paris fête un bel anniversaire.Sarkozy nous a volé le référendum, il a volé la parole des Français, et rien que par rapport à cela, Hollande devrait refaire un référendum. Il est impossible qu’il ait oublié cela! La majorité de son parti avait appelé à voter oui, d’autres qui sont ministres aujourd’hui tels que Fabius avaient appelé à voter non, donc aujourd’hui Hollande doit prendre une décision capitale, et redonner la parole au peuple par un référendum. On n’est pas pressés, il ne faut pas signer le nouveau traité! Quand on voit la Grèce ou l’Espagne, on se rend compte qu’il ne faut pas signer ça, même avec le mot croissance à l’intérieur. Ce mot ne veut rien dire, ce qu’il faut c’est un autre Europe, avec des salaires et une fonction publique de hauts niveaux, l’industrialisation, il faut que ça bouge.
Comment construisez-vous l’échéance d’automne?
Cela fait 3 ans que les égoutiers travaillent ensemble, au plan national, nous on commence à peine ce travail depuis le début d’année. On en est à deux ou trois réunions, avec une nouvelle le 5 juin au cours de laquelle on va finaliser un cahier revendicatif, sur toute la filière du traitement des déchets, qui met l’environnement au cœur parce que c’est important, que nous en sommes une cheville ouvrière. Donc, dès juin, il va y avoir des choses distribuées dans les bases syndicales qui peuvent permettre quelque chose à l’automne. Et on tient vraiment, parce qu’on pense que les égoutiers sont dans la même filière que nous, à faire un mouvement d’ensemble qui peut avoir de la gueule, en espérant que d’autres s’y joignent aussi!
Propos recueillis par Vanina Giudicelli