Après le 49.3, le gouvernement a concocté un texte de loi présenté comme provisoire en fonction des résultats de la conférence de financement. Il croit avoir toutes les cartes en main, à moins que le mouvement social n’y mette bon ordre.
En toute souveraineté, le gouvernement a choisi de moduler le texte de la loi retraites. Rien ne change sur le fond bien sûr, et les mêmes inconnues essentielles demeurent sur la valeur du point et donc, en définitive, les droits que chacunE aura à l’issue de sa carrière professionnelle.
Des aménagements marginaux
Des aménagements concernent lesdroits familiaux (nombre minimal de points au titre de la maternité, maintien de la pension de réversion pour les conjoints divorcés, etc.) et la retraite progressive (en fin de vie professionnelle). Des assurances (plus ou moins solides) sont accordées à certaines catégories professionnelles : le gouvernement a ainsi ajouté un article afin d’assurer que « la mise en place du système universel de retraite s’accompagne, dans le cadre d’une loi de programmation, de mécanismes permettant de garantir aux personnels enseignants ayant la qualité de fonctionnaire de l’éducation une revalorisation de leur rémunération leur assurant le versement d’une retraite d’un montant équivalent à celle perçue par les fonctionnaires appartenant à des corps comparables de la fonction publique de l’État ». Mais comme dans la première mouture, il n’y a pas de définition de la hauteur de la rémunération ! Et de toute façon, c’est le genre de promesse qui n’engage que ceux qui y croient. Les égoutiers embauchés avant 2022 pourront continuer à prendre leur retraite à 52 ans. Une mesure trop voyante en faveur de la capitalisation a été retirée : on imagine que ce n’est que partie remise.
Berger s’en va-t-en guerre
Sur la pénibilité, la CFDT n’a quasiment rien obtenu en dépit des déclarations martiales de Laurent Berger. Le Medef ne veut pas entendre parler de la possibilité de départs anticipés. Son président a toutefois eu une idée brillante : OK pour des départs anticipés à la retraite « pour des raisons de pénibilité », mais à la condition « que [cette] augmentation soit compensée par moins de départs pour carrières longues ». De quoi piéger un peu plus la CFDT car le dispositif « carrières longues » avait été une des contreparties obtenues par la confédération en échange de son soutien à la réforme Fillon des retraites en 2003. La CFDT s’étant déjà fait piétiner sur ce sujet par Macron, qui a supprimé en 2017 quatre des dix critères de pénibilité reconnus en 2010 ( charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et agents chimiques dangereux). « Nous nous battrons jusqu’au bout » a déclaré Laurent Berger : sans commentaire.
Donc, le texte adopté va naviguer : aller au Sénat et revenir chez les députés où, probablement, il y aura à nouveau un 49.3.
Une conférence-croupion
Dans l’immédiat, se déroule la « conférence de financement » demandée par la CFDT pour discuter des mesures de rééquilibrage financier du système de retraite en 2019. Rappelons que le déficit en question est issu d’un calcul du Conseil d’orientation des retraites. Calcul très contesté (car ce déficit affiché ne résulte que de décisions arbitraires de l’État) mais fort utile au gouvernement pour faire passer des mesures d’économies avant même que son système par points entre en vigueur.
Édouard Philippe a prévenu : pas question de chagriner le Medef et d’augmenter les cotisations patronales. L’enjeu se résume donc à négocier la couleur des chaînes, même pas leur poids. FO et la CGT ont fini par se retirer de cette comédie.
Une réunion de la conférence-croupion se tenait le 10 mars. Les principales propositions qui devaient être débattues concernent d’abord les mesures d’âge : allongement plus rapide de la durée nécessaire de cotisations ou âge pivot. Dans les deux cas, c’est une baisse des retraites. Ce pourrait être mixé avec des grappillages financiers à droite et à gauche.
Au total, rien qui puisse chagriner le gouvernement qui compte bien que tout chemine sans embuche jusqu’au vote définitif avant l’été. À moins que…