Un pas en avant avec l’égalité dans le droit au mariage et à l’adoption. Deux pas en arrière avec l’abandon du droit de vote pour tous les résidents…Le candidat avait peu de promesses, on avait cru à très peu… mais pour celle concernant le droit de vote, on est nombreux à avoir pensé « c’est sûr, il ne pourra pas nous la rejouer comme Mitterrand il y a 30 ans ». Eh bien, si, ils ont osé. Et pourtant, au moment de l’engagement, le PS avait les mêmes données que maintenant : il savait que ce serait difficile d’obtenir la majorité du congrès (Assemblée nationale + Sénat) et qu’il y aurait des parlementaires à convaincre.Au lieu de ça, en renonçant, en repoussant à après 2014, il a « ouvert le débat »… sans même le mener ! On a seulement eu l’annonce du projet de loi de révision constitutionnelle, sans le droit de vote et sans commentaire du gouvernement, et dans un silence assourdissant. Un silence heureusement rompu par une tribune dans le Monde signée entre autres par Jeanne Moreau et François Durpaire, membre du collectif Droit de vote 2014, mais qui fut peu relayée ou commentée, et surtout pas côté gouvernement !On vit ici, on vote iciLa campagne de pétitions Droit de vote 2014, soutenue par 161 organisations, plafonne à 50 000 signatures, malgré le succès dans les villes où elle a été menée, y compris dans les quartiers populaires où il se disait que le sujet n’intéressait pas. Et pourquoi les brillants analystes de l’abstention ne voient-ils jamais comme cause l’exclusion du terrain électoral d’une partie de la population des quartiers ?Un site d’extrême droite propose une comparaison entre la « nation » et une famille qui emploie une domestique : on la traite (éventuellement) bien, mais on ne la fait pas participer aux choix financiers ou d’éducation des enfants. Ignoble équation entre résident étranger et domestique, qui illustre la pensée de ceux qui séparent nationalité et citoyenneté. La nationalité, c’est l’indication de l’endroit où l’on est né ; quitter ce pays, changer ou pas de nationalité, avoir envie de garder des liens avec cette origine n’a aucun rapport avec le droit de participer à la vie du pays d’installation au même titre que ceux qui y sont nés – par hasard. À rapprocher d’un des principaux « motifs » de refus d’une carte de séjour : le sans-papier a encore de la famille dans son pays…Les dégâts du racisme d’ÉtatDepuis 2005, où un sondage indiquait que 56 % contre 39 % des sondés étaient favorables au droit de vote pour tous les résidents étrangers, le racisme d’État joint à la crise a fait des ravages. Et une fois de plus, de trop, le signal est donné par le gouvernement, de gauche, que « l’immigration est un problème ». Chasse aux Roms, expulsions de sans-papiers, maintien de quotas d’immigration (induisant l’idée fausse que celle-ci augmente), poursuite des politiques d’austérité qui aggravent la vie des plus pauvres – et donc des étrangers non communautaires qui sont en majorité dans cette part de la population la plus exploitée –, la liste serait longue de tout ce qui alimente le racisme dans ce pays. Et si l’on emploie ici cette expression d’étrangers « non communautaires », c’est que la différence marquée par l’accès au droit de vote entre deux catégories d’étrangers n’est pas anodine : ceux à qui on refuse ce droit sont en grande partie les victimes de l’islamophobie. Et même si le racisme ne se résout pas par des mesures administratives, quelques décisions devraient être prises rapidement concernant les menus dans les cantines scolaires, les interdictions faites aux mamans voilées d’accompagner les sorties.Parce que « les prolétaires n’ont pas de patrie », parce que solidarité internationale et liberté de circulation et d’installation sont des bases importantes du changement que nous voulons, nous combattons toutes les discriminations racistes. Et la discrimination dans l’accès aux urnes pourrait être supprimée par une loi. Même si la limitation aux élections locales accrédite l’idée que ce droit n’est pas une évidence. À nous de nous battre pour l’imposer, comme les révolutionnaires de 1793, comme ceux de la Commune.Isabelle Guichard
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