Publié le Dimanche 1 mai 2016 à 22h24.

État d’urgence : La fabrication concrète de l’État sécuritaire

Sans surprise l’état d’urgence devrait être prorogé jusqu’au 26 juillet dans l’Hexagone et l’Outre-mer par l’adoption d’une nouvelle loi, la troisième sur le sujet depuis les attentats de novembre dernier...

Cette fois, il s’agirait, dixit le porte-parole du ministère de l’Intérieur, de « protéger » les importantes mobilisations populaires de l’Euro 2016 de football et du Tour de France... Du pain et des jeux ? La majorité d’entre nous a déjà de moins en moins de « pain », nous aurons donc en plus les « jeux » sous l’œil des caméras... des armes de la police et de l’armée ! La finalisation du texte de loi qui sera soumis aux députés et sénateurs, et sans doute malheureusement adopté, est en cours. Il s’agit bien de nous habituer à ce que toute activité humaine, sociale, festive, soit encadrée par le ministère de l’Intérieur : « Un policier à moins de 20 minutes de chaque Français », nous promet même Cazeneuve...

Des moyens policiers en forte augmentation

Dans ce domaine, on peut reconnaître au gouvernement de se donner, avec constance et détermination, les moyens de sa politique : alors que les moyens baissent dans les ministères et l’ensemble des services publics, entre 2012 et 2017, 9 341 postes ont été ou seront créés dans la police et la gendarmerie. Le budget de la sécurité en 2016 est déclaré prioritaire. Plus de budget, c’est évidemment plus de personnels, mais aussi plus de nouvelles armes : 116 tasers supplémentaires, 981 bâtons télescopiques de défense, 25 000 munitions et la nouveauté de l’année, 204 fusils d’assaut pour la BAC ! 

Les moyens et les méthodes des interventions policières et militaires tendent à se rapprocher, leur culture « professionnelle » doit devenir sensiblement la même, leur protection judiciaire en cas d’actes de violence reconnus est quasi totale, le ministre appelle à la coopération sans faille des polices et à une action concertée et permanente entre gendarmerie, autres forces armées, et police.

Une part plus importante de nos impôts va donc nous être reversée... sous forme de coups de matraques, de jets de gaz lacrymogènes, de tirs de tasers, et contribuer à alimenter la longue liste des bavures...

Pour la lutte contre le terrorisme ?

La précision des chiffres donnée par le ministère est étonnante : vise-t-elle à rassurer face aux actes terroristes, à séduire une partie de l’électorat de droite et d’extrême droite en vue des prochaines échéances électorales... ou bien à menacer et réprimer une jeunesse et une classe toute entière qui se met debout pour ses justes combats contre la loi El Khomri et son monde ? Sans aucun doute les calculs tacticiens ne sont-ils pas absents de la communication ministérielle, mais sur le fond, il s’agit surtout de la volonté de ce gouvernement d’en finir avec nos résistances.

Par un déploiement d’hommes armés, par la quantité et la qualité d’armes en service, il choisit la provocation et assume concrètement l’escalade de la violence. La forme armée de la lutte des classes au service du capital. Car pour ce qui est du terrorisme, Cazeneuve reconnaît lui même que le prolongement de cet état d’urgence ne le fera pas cesser et annonce déjà un énième projet de loi « pour renforcer la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et le renforcement durable des moyens de la police administrative et de la police judiciaire »...

Roseline Vachetta