La condamnation à 24 mois de prison, dont 9 mois fermes, de 8 ex-salariés de l’usine Goodyear d’Amiens, fermée en janvier 2014 en laissant 1 450 ouvriers sur le carreau, est de la responsabilité directe du gouvernement Hollande-Valls.
Alors que la direction de l’entreprise et les cadres, retenus quelques heures dans l’usine à l’annonce de la fermeture de celle-ci, avaient retiré leur plainte, c’est le parquet, aux ordres du pouvoir, qui a quand même poursuivi les salariés pour « séquestration et violences en réunion » ! Se battre pour sauver son emploi est désormais synonyme de criminalité.Les patrons voyous sont choyés et arrosés d’argent public et les salariéEs sont virés, mis en garde à vue, arrêtés chez eux, traînés devant la justice qui porte plus que jamais son nom de justice « de classe ». Qu’ils soient salariéEs de La Poste, d’Air France, agriculteurs de la Zad de Notre-Dame-des-Landes, militants écologistes, tous n’ont qu’à bien se tenir et rentrer dans le rang. Sinon c’est la révocation, le licenciement, la matraque, la garde à vue, le prélèvement d’ADN et les procès.
De quoi l’état d’urgence est-il le nom ?Dans la foulée des attentats, les immigréEs, les musulmanEs étaient les boucs émissaires idéaux : rien de tel qu’une bonne dose de racisme et d’islamophobie pour accompagner une grave remise en cause des droits démocratiques et augmenter les pouvoirs de la police.Maintenant, la peine de prison ferme pour les Goodyear et l’accélération des poursuites contre les syndicalistes signalent une volonté claire d’intimider l’ensemble de notre classe en frappant une série d’équipes militantes combatives, emblématiques des luttes ouvrières de ces dernières années. La finalité de l’état d’urgence est là : anticiper sur de futures explosions de colère en brisant par avance les ressorts de la mobilisation.
La colère sociale est toujours là
Le 26 janvier, les 5,2 millions de salariéEs de la fonction publique sont appelés à faire grève et à manifester par la CGT, FO, Solidaires et une majorité de sections départementales de la FSU. Un appel intersyndical plus large invite également les enseignantEs du second degré à faire grève de nouveau contre la réforme des collèges. Ce sera la première journée de mobilisation sociale à caractère national depuis l’instauration de l’état d’urgence, la première occasion pour des milliers de salariéEs de descendre dans la rue sans être visés par des interdictions de manifester ! Cela doit être la première motivation pour assurer le succès de cette journée : montrer que la période de sidération qui a suivi les attentats de novembre, puis celle dominée par l’acceptation de la mise en place des mesures liberticides au nom de la lutte contre le terrorisme, sont désormais derrière nous.Les fonctionnaires auront les premiers l’occasion de redonner à la colère sociale la visibilité qu’elle avait atteint au moment de l’annonce des licenciements à Air France. Pour eux, les raisons de la colère sont nombreuses : blocage des salaires depuis 2010 et annoncé jusqu’en 2017, salaires au mérite avec le PPCR, suppressions massives de postes, mutations imposées avec la réforme territoriale, augmentation du temps de travail dans les hôpitaux, précarisation débridée avec la multiplication des emplois contractuels...
Dans l’éducation se rajoutent toutes les attaques engagées par Sarkozy et poursuivies par Hollande (« réformes » des rythmes scolaires, du lycée et du collège, du statut des enseignants du secondaire, démantèlement de l’éducation prioritaire...).Pour la convergence des urgences sociales et démocratiques
Les directions des organisations syndicales FO, CGT, Solidaires ont fait le choix de n’appeler à la grève que les fonctionnaires. D’autres, comme celle de la CFDT, collaborent carrément avec le gouvernement dans les salons. C’est rageant car du côté des salariéEs du privé, les raisons de la colère ne manquent pas non plus, et une journée de grève interprofessionnelle aurait été la bienvenue.Les 100 000 signatures récoltées en quelques jours par la pétition lancée par les Goodyear contre leur condamnation témoignent qu’une frange significative des salariéEs et des militantEs ouvriers n’en peut plus de reculer et est disponible pour passer à la contre-offensive sociale. C’est donc le moment de regrouper les luttes, de leur donner un sens politique, en combinant les mobilisations pour les droits sociaux des travailleurs avec la dénonciation de l’état d’urgence et de la politique réactionnaire du gouvernement.
Marie-Hélène Duverger