Entretien. À l’occasion de l’épidémie de coronavirus, la politique de Macron à l’égard des personnes âgées exprime brutalement son mépris de la vie de celles et ceux qui aujourd’hui ne sont plus utiles à produire du profit. A moins qu’elles puissent rapporter du cash aux groupes financiers. Un « or gris » ! Michel Chabasse, secrétaire général de l’Union syndicale des retraités CGT (USR-CGT) des Pyrénées-Orientales, ancien responsable de la CGT RATP et ancien maire-adjoint PCF dans une ville populaire de Seine-Saint-Denis, a accepté de répondre à nos questions.
Comment analyses-tu la gestion de l’épidémie par le gouvernement à l’égard des personnes âgées ?
Dans cette gestion de la crise sanitaire, tout est fait de volte-face pour ne pas dire pire. Intention initiale de prolonger le confinement pour les personnes âgées soi-disant pour des raisons sanitaires ; puis, devant la levée de boucliers, brutale marche-arrière pour se contenter d’un vague appel à la « responsabilité individuelle ». Une prolongation que nous, syndicats, avions jugée discriminatoire.
En dégageant ses responsabilités sur la population, mais plus particulièrement sur les retraitéEs, ces méthodes cadrent bien avec celles mises en œuvre depuis le début de son mandat. Il y a une volonté cachée de sacrifier « les vieux » présentés comme un poids pour la société.
Le confinement est souvent plus dur à supporter pour les personnes âgées, déjà généralement plus isolées socialement. Comment les protéger, elles qui paient un lourd tribut à la pandémie ?
Il y a deux situations pour les personnes âgées. Il y a celles qui vivent en Ehpad et celles qui bénéficient du maintien à domicile.
Celles qui vivent en Ehpad et qui n’ont pas reçu de visites durant une longue période, avec la perspective d’un déconfinement lointain – cela leur a apporté un grand coup au moral. Nous avons commencé à voir parmi elles des renoncements à la vie. Aujourd’hui, même si tout n’est pas parfait, des mesures ont été prises : réouverture encadrée des visites, utilisation de moyens modernes tels que WhatsApp pour les mettre en contact avec les familles. Mais ces mesures ne sont que des emplâtres sur une jambe de bois.
Quant aux personnes maintenues à domicile, la situation est des plus catastrophiques à un point tel que le nombre de décès à domicile n’est pas comptabilisé.
Les chiffres circulent annonçant près de 9 000 morts.
Pour les protéger, il faudrait qu’il y ait davantage de personnel avec le matériel nécessaire.
Avoir envisagé un moment de prolonger le confinement pour les personnes âgées n’est-il pas un aveu d’un manque de moyens humains, financiers et matériels pour faire face à l’épidémie ?
Tout à fait. C’est un aveu mais au-delà de ce choix, c’est aussi un choix de société. Un simple petit calcul, 5 000 morts avec une pension mensuelle de 1 200 euros c’est 72 000 000 d’économies par an.
La pénurie de moyens est le fruit de décennies de politique austéritaire détruisant les services publics, l’hôpital public, le système de santé, la protection sociale, etc. Mais n’est-elle pas caractéristique aussi d’une politique à l’égard des retraitéEs et de toutes les personnes sorties ou exclues du monde du travail ?
C’est exact, c’est une politique de classe et de rentabilité financière qui est conduite. Une société se juge aussi à la façon dont elle traite ses anciens et ses anciennes. La course au profit qui est mise en œuvre dans notre pays depuis des décennies visent à marginaliser plus de 16 millions de la population.
Je pense qu’aujourd’hui de plus en plus de monde commence à le comprendre chez les retraitéEs. Dans ce cadre, la place et le rôle du syndicalisme « retraité » est des moyens importants de leur défense. Il aide à la prise de conscience car les retraitéEs ont un rôle à jouer à travers ce syndicalisme qui retisse des liens et agit avec des objectifs revendicatifs et de transformation de la société. On le voit dans notre département. Non seulement on syndique à l’USR les anciens et anciennes syndiqués mais – et c’est un phénomène nouveau pour moi – on syndique des gens qui n’ont jamais été syndiqués et même des gens qui, quand ils étaient en activité, n’appartenaient pas au salariat, mais à des professions libérales.
Que penses-tu de l’exigence d’un service public du 3e et du 4e âges prenant en compte aussi bien le maintien à domicile, lorsqu’il est compatible avec l’état de santé, que des foyers ou des Ehpad ?
Nous sommes pour la prise en charge de la perte d’autonomie de la naissance à la mort, et cela dans un grand service public et plus particulièrement sous l’égide d’une Sécurité sociale qui retrouve tous les moyens qui lui avaient été donnés par le Conseil national de la Résistance.
Les retraitéEs ne sont pas que des victimes potentielles du Covid-19. Tu as commencé à en parler. Ils et elles sont – et leur mobilisation récente contre la « réforme » des retraites l’a rappelé – des acteurEs de la vie sociale et politique. Quelles sont leurs principales revendications, exigences ?
Les exigences des retraitéEs comme leurs revendications sont intimement liées à celles des actifs, que ce soit l’augmentation du pouvoir d’achat ou la question des transports. Nous portons avec les chômeurEs, les étudiantEs, les salariéEs la question de la gratuité des transports comme tout ce qui concerne la protection sociale, la santé¼ Nous avons des revendications d’usagerEs qui sont en soutien, voire convergente, avec les salariéEs des services publics, des Ehpad, etc.
Nous portons aussi des revendications de proximité, d’aménagement de nos lieux de vie. Nous avons aussi des revendications avec des valeurs d’humanité, de liberté. Je pense à ce qui se passe en Catalogne mais aussi ce que ce gouvernement met en œuvre contre les chibanis, les immigrés retraités.
Propos recueillis par Jean Boucher