Si les élections ne font pas tout et n’expriment que de manière très déformée les rapports de forces politiques et sociaux, nous ne pouvons pas être indifférents aux dynamiques qui se développent à l’occasion des élections législatives, et aux futurs résultats de ces dernières.
Après une élection présidentielle marquée par un phénomène de polarisation entre trois blocs (macronisme, extrême droite et Union populaire), le principal enjeu des élections législatives est de savoir si Macron va pouvoir obtenir une majorité à l’Assemblée lui permettant de poursuivre sans encombres sa politique de casse sociale. Le second enjeu, qui lui est lié, est celui de la cristallisation de la dynamique d’opposition à Macron et de sa traduction électorale : est-ce l’extrême droite, forte de ses 42 % au second tour de la présidentielle, qui va la capter, ou est-ce la Nupes, qui incarne, malgré toutes ses limites, une volonté de combattre Macron « sur sa gauche » ?
Des pronostics ?
À ce stade, difficile de faire des pronostics. Les sondages préélectoraux, dont on sait qu’ils ne sont pas toujours fiables, semblent indiquer une dynamique autour de la Nupes, mais qui ne se traduira pas mécaniquement en termes d’éluEs à cause du mode de scrutin – uninominal à deux tours. L’abstention, beaucoup plus élevée aux législatives qu’à la présidentielle, pourrait un jouer un rôle déterminant : on se souviendra ainsi qu’en 2017 il n’y avait eu qu’une seule triangulaire sur les 577 circonscriptions, le seuil pour se qualifier au second tour étant fixé à 12,5 % des inscritEs, soit 25 % des voix avec une abstention à 50 %.
Les mécanismes de la 5e République, renforcés par le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, sont tels que l’hypothèse la plus probable est que Macron obtienne une majorité à l’Assemblée. C’est ce qu’indiquent les fameux sondages de « projection en sièges », et c’est aussi ce que voudrait la logique des « votes barrages » au second tour : contre l’extrême droite en cas de duel majorité présidentielle-RN, et contre un Mélenchon diabolisé en cas de duel Nupes-majorité présidentielle. Mais la situation d’instabilité politique et la faible légitimité du pouvoir Macron pourraient déjouer, du moins en partie, les pronostics, et rien n’indique à cette heure que la macronie triomphera aux législatives.
Gauche de rupture
C’est dans ce cadre général que le NPA a déterminé sa politique pour les élections législatives. Face à la montée de l’extrême droite et au danger fasciste, contre le nouveau mandat de cinq ans de Macron et de ses sbires organisant les attaques antisociales et autoritaires, nous souhaitions qu’une majorité de gauche de rupture, ou tout du moins le plus d’éluEs possible, puisse s’installer à l’Assemblée. Nous pensions donc qu’une dynamique d’union aurait été un signal positif en direction du mouvement social et des luttes, redonnant confiance aux oppriméEs et aux exploitéEs. La perspective d’organiser les résistances et d’arracher de nouveaux droits par tous les moyens, aurait dû nous unir.
C’est pourquoi nous avons entamé des discussions avec l’Union populaire, qui n’ont malheureusement pas abouti, pour des raisons que nous avons déjà exposées dans nos colonnes. Malgré cet échec, nous avons conscience que l’aspiration légitime à l’unité est toujours là, et que pour des millions de jeunes et de travailleurEs, la Nupes, malgré ses limites et ses contradictions, incarne une opposition à Macron et à l’extrême droite qui refuse de se soumettre aux canons du néolibéralisme. C’est pourquoi nous avons décidé de nous investir, dans la majorité des circonscriptions, dans le soutien aux candidatEs de la Nupes, tout en n’écartant pas la possibilité, dans des lieux où les candidatEs labellisés Nupes incarnent une continuité avec le social-libéralisme, d’impulser ou de soutenir des candidatures autonomes.
Se préparer aux combats de demain
Élire le plus de députéEs incarnant une gauche de rupture est un enjeu en soi, qui pourra peser sur le quinquennat à venir. Mais cet enjeu ne peut être isolé de celui de la reconstruction globale des rapports de forces sociaux, élément déterminant pour faire face à l’offensive du patronat et de son personnel politique, pour résister au rouleau compresseur néolibéral, pour arrêter de perdre des droits et rendre crédible la perspective d’en gagner de nouveaux. Nous savons en effet que si les élections cristallisent, de manière déformée, les rapports de forces entre les classes, elles ne sont jamais en elles-mêmes et à elles seules le moyen de les modifier en profondeur. C’est pourquoi, comme nous l’avons fait durant la campagne présidentielle, nous posons dans cette campagne législative la question de la nécessaire construction des mobilisations et de la reconstruction des outils d’organisation et de défense de notre classe.
Le programme de Macron est en effet clair : la poursuite, et même l’accélération de l’offensive contre nos droits et nos conditions de vie et de travail, sur fond de cours raciste-autoritaire. L’extrême droite, même si elle est plus discrète dans la campagne électorale, est toujours là, en embuscade, et n’a pas dit son dernier mot. Un nouveau quinquennat durant lequel Macron aurait les mains libres à l’Assemblée se déroulerait dans tous les cas sous la pression toujours plus forte de l’extrême droite et de ses idées, avec la forte probabilité que, comme durant les cinq premières années de présidence macronienne, le RN et ses sbires continuent de progresser. Il y a donc un enjeu majeur à faire entendre autre chose durant cette campagne législative, et à en faire un outil pour se préparer aux combats de demain, inévitables et indispensables.