Publié le Mardi 24 novembre 2020 à 11h41.

Camp de migrantEs démantelé : « Nous n’avons jamais vu une telle chasse à l’homme »

Débutée le mardi 17 novembre 2020 par le démantèlement du camp de migrantEs à Saint-Denis, la chasse à l’homme se poursuit, avec hier soir l’intervention particulièrement violente de la police place de la République à Paris. Installé à la Porte de Paris, au pied du Stade de France, le camp démantelé « accueillait », depuis juillet, 3000 personnes dans des conditions innommables. Retour sur un véritable scandale d’État.

Mardi 17 novembre, les personnes évacuées, parmi lesquelles se trouvaient des familles avec des enfants en bas âge, massées contre la rambarde du pont de la Porte de Paris, étaient systématiquement fouillées par les forces de l’ordre avant leur montée dans le bus. Après une évacuation désorganisée et interminable, près de 700 personnes n’ont pas pu monter dans les cars. Apparemment, les autorités n’ont pas prévu assez de places d’hébergement. Par contre, elles avaient prévu des policiers en nombre pour les nasser et gazer pendant des heures avec quelques bénévoles, collées les unes aux autres sans masque, sans accès aux toilettes ou à la nourriture. Cette opération s’est déroulée loin des yeux des rares journalistes à qui l’accès au site était interdit. Des centaines d’autres personnes ont été pourchassées toute la nuit. La police a continué méthodiquement à les gazer, leur confisquant leurs couvertures, détruisant leurs tentes.

« Une forme dinacceptation de cette situation »

ChasséEs, ces hommes et femmes errent actuellement entre la Porte de la Chapelle et Saint-Denis voire d’autres villes de banlieue dont les maires ne proposent rien pour les accueillir. Mathieu Hanotin, maire de Saint-Denis, a même fermé le parc de la Légion d’Honneur afin d’empêcher les migrantEs de s’y réfugier. L’inhumanité dans toute sa « splendeur » !

Heureusement, il y a des collectifs comme Solidarité-Migrants Wilson, Sous le même ciel, Utopia56 (entre autres) et leurs bénévoles, mais aussi des habitantEs qui apportent leur soutien actif aux migrantEs. Nous avons rencontré Sylvain et Héloïse, habitants de Saint-Denis qui se sont mobilisés individuellement auprès des migrants depuis l’installation du camp et étaient présents dès 4 heures du matin ce mardi 17 novembre 2020.

« Délors du premier confinement, collectifs dhabitantEs et bénévoles ont été très actifs pour venir en aide aux migrants. C’était au moment du démantèlement du camp dAubervilliers le long du canal. Et depuis juillet, à force de voir le camp à la Porte de Paris à Saint-Denis grossir, les tensions saccumuler, nous on a décidé d’intervenir et de mobiliser les voisins, en plus des collectifs existants. Nous avons ressenti une forme dinacceptation de cette situation et, avec des voisins, on sest rapproché des asso (Armée du Salut etc…). »

L’évacuation

« Bénévoles et migrantEs, on s’est demandé pourquoi les bus ont mis autant de temps à arriver (vers 6h du matin pour les premiers). Les migrants étaient prêts dès 3h du matin. Par ailleurs, nous étions surpris du fait quil y ait très peu de bus. Une fois que les bus sont arrivés tout sest enchainé mais le premier bus n’est parti qu’à 8h. À 14h, les premières entreprises de nettoyage et de sécurité étaient là pour nettoyer et boucler la place mais on a halluciné de voir que la préfecture nait pas le bon comptage de migrants et en ait laissé plus de 800 sur le carreau. Quant aux journalistes des gros médias, interdits de rentrer dans le camp, ils restaient dociles à l’extérieur et couraient après les bénévoles pour tenter davoir des informations. »

Depuis l’évacuation

« Nous navons jamais vu une telle chasse à l’homme et nous ne comprenons pas pourquoi la police empêchait les migrants qui navaient pas eu de place dans les bus de retourner vers Paris. 30 heures plus tard, nous avons eu des témoignages de gens de la maraude du soir (via le collectif Migrants Wilson) qui décrivaient des migrants qui s’écroulaient de faim, de froid et de fatigue. Ils se questionnent sur les accords entre Lallement et le préfet de Seine-Saint-Denis. Pourquoi les flics empêchaient les migrants daller à Paris ? L’espace utilisé par les réfugiéEs à la Porte de Paris est repris — grillage, service de sécurité, espace cadenassé (jusqu’au JO ?). Les tracteurs déblayaient dès mercredi matin. L’évacuation du camp est un marché pour certains. Combien ça coute un démantèlement pareil ? Quelle thune est engloutie dans une opération pareille ?! Un flic tous les trois mètres, les bus, les repas, les barrières, les lumières etcEt si on mettait tout cet argent pour accueillir les migrantEs au lieu de les chasser ? »

Construire un front de résistances et de solidarité

« Il faudrait faire une action médiatique pour reprendre cet espace qui finalement a été volé à la population actuellement (les grillages empêchent dy aller). Quitte à finir en garde à vue pour "délit de solidarité", il faudrait noyer les tribunaux de personnes accusées de ce délit.

Quant à la construction dun front de résistance des migrants, il faudrait sinspirer de lexpérience des gilets noirs qui se sont mobilisés en tant que sans papiers. Que les migrants arrivent à se mobiliser par et pour eux-mêmes pour défendre leurs droits et leurs vies et que les collectifs et organisations soient là en soutien à l’instar de la Marche des sans-papiers. »