Plus clairement encore que la « crise grecque », la « crise des réfugiés » est une crise de leur Europe. Si « institutions » et « créanciers » ont bien fait front commun pour opérer un ravage historique et une mise en coupe réglée coloniale de la Grèce, avec la capitulation de ses dirigeants, on aurait bien tort de croire que toutes les bourgeoisies européennes ont les mêmes responsabilités et intérêts dans ce saccage.
Loin s’en faut donc pour que le rouleau compresseur austéritaire soit l’expression d’une Union. Tout au contraire, il en est une négation, mais une négation qui, comme produit de la concurrence capitaliste, « s’impose à tous » et produit donc un consensus autour d’une spirale mortifère. En revanche, la bien mal nommée « crise des réfugiés » révèle sans paradoxe la vérité d’une construction européenne rentrée en crise de décomposition.
De la simple brutalité du régime hongrois au louvoiement tout en lâcheté du président français en passant par le brio rigoureux de la chancelière allemande, quel que soit le niveau de radicalité, de perversité ou de cynisme dans le discours et la réponse concrète, quels que soient le poids et les marges de manœuvre réelles de chacun, tous les pays de la (dés) Union européenne ont désormais pour dénominateur commun de ne pas en avoir, d’union... C’est désormais officiel.
Car s’il est bien une négation simple et visible de toute politique internationale de coopération, c’est bien le nationalisme. Dans un sinistre manège, le réfugié, ce retour du refoulé, atomise leur Europe génétiquement libérale, concurrentielle et impérialiste. À trop épandre misère et chaos, l’impérialisme européen se retrouve face au vent, bouffant alors de cet agent défoliant qu’il avait largué (pas si) loin de sa forteresse (Moyen-Orient, Maghreb, Afrique de l’Ouest) ou même en son sein, comme en Grèce.
Grèce et réfugiés, deux crises, deux impasses qui révèlent l’infamie congénitale de leur construction européenne, mais aussi la faiblesse du capitalisme européen sur la scène mondiale, et plus encore les limites absolues devant l’histoire de la bourgeoisie, cette classe de la concurrence, à construire une quelconque forme d’unité internationale basée sur la collaboration. Leur Europe n’est pas la nôtre. Nos réponses ne sont pas les leurs : un toit et des papiers pour tous, ouverture des frontières, liberté de circulation et d’installation. Pour une Europe des travailleurs et des peuples.
Sylvain Madison