Le gouvernement, par la voix de sa Première ministre, a présenté au Parlement son projet de loi sur l’immigration (la 22e en moins de 40 ans), en d’autres termes contre les migrantEs. Pour Darmanin et ses sbires, il s’agit de « leur rendre encore plus la vie impossible », de renforcer les mesures empêchant leur régularisation, d’augmenter le nombre d’expulsions, c’est-à-dire de faire marcher à plein régime la machine à fabriquer des sans-papiers et de les désigner comme de dangereux/ses délinquantEs potentielLEs.
Les réfugiéEs meurent par milliers en Méditerranée, et aussi dans la Manche. Sur le sol français, ils et elles subissent la maltraitance des préfectures, de l’État. Des femmes, qui représentent plus de 50 % des migrantEs, sont victimes, en plus de la misère et de la guerre communes à toutEs les exiléEs, de violences sexuelles, de prostitution forcée et, à leur arrivée, se heurtent à la non-prise en compte de leurs souffrances. Des mineurEs isoléEs, après avoir vécu la torture, l’esclavage, des violences inouïes, sont abandonnéEs ici à la rue… En fait d’accueil, la société française leur offre insécurité, harcèlement administratif, traque policière.
Une loi qui criminalise les migrant·E·s
Reprenant à son compte les propos nauséabonds du RN, le ministre de l’Intérieur désigne la dangerosité fantasmée des migrantEs sans papiers en utilisant de la façon la plus abjecte le meurtre de la jeune Lola. La circulaire envoyée aux préfets le 17 novembre indique le contenu répressif de la loi : systématisation des obligations à quitter le territoire français (OQTF) mais aussi des interdictions de retour sur le territoire français (IRTF), qui suspendent toutes les possibilités accumulées de régularisation. Tout refus d’asile sera suivi systématiquement d’une OQTF avant le recours. Il ordonne aux préfets d’assurer un suivi serré et de veiller à ce qu’ils ne bénéficient d’aucune aide, voulant faire croire qu’ils auraient accès aux allocations. Alors qu’un étranger sans papier n’a droit à aucune allocation, sauf l’aide médicale d’État (AME) qui est remise en question. La multiplication des centres de rétention, l’assignation à résidence, l’inscription des étrangerEs sans papiers à qui aura été délivrée une OQTF au fichier des personnes recherchées (FPR), instaurent un véritable régime de traque et de criminalisation du statut d’immigréE. Ajoutons le retour de la « double peine » qui accompagne toute condamnation pénale d’une expulsion.
La rapidité est en outre préconisée dans la mise à exécution des OQTF. On sait ce que cela veut dire : la réduction des possibilités de recours et moins de droits pour les personnes concernées.
Une vision utilitariste des migrations
Le gouvernement, dans une vision fidèle à l’esprit néocolonial, tout en expulsant à tout-va, voudrait bien pouvoir quand même utiliser cette main-d’oeuvre taillable et corvéable à son pur profit comme à celui du patronat. Alors, il invente un nouveau titre de séjour, celui de « métiers en tension » qui serait délivré à celles et ceux exerçant des métiers où il y a des pénuries de main-d’oeuvre en France. Mais il ne s’agira que de contrats précaires d’un an renouvelable.
Le nouveau titre de séjour prévu, dans la même logique que la nouvelle « réforme » de l’assurance chômage, offre aux patrons de secteurs dits « en tension » une main-d’œuvre légale – aux conditions qu’ils exigent. Quel que soit le résultat sur les retraites, ils et elles auront ensuite beau jeu de dire que les conditions actuelles dans les autres secteurs sont des privilèges qu’il faut retirer. Tandis que les racistes auront beau jeu d’expliquer que les immigréEs seraient responsables de ce « dumping social ».
Il sera d’autant plus difficile de s’y opposer – y compris dans certains secteurs de notre classe – si on a laissé le virus raciste et sécuritaire développé dans la loi Darmanin se diffuser.
L’extrême droite en embuscade
Dans ce contexte, l’extrême droite fait une fois encore de la surenchère raciste. Si elle peut se permettre de s’afficher plus résolue tout en jouant la carte de la « respectabilité », c’est grâce aux politiques anti-migratoires que les gouvernements néolibéraux – de droite comme « de gauche » – ont développées depuis des décennies banalisant un racisme, aujourd’hui à dominante islamophobe et négrophobe. L’immigration stoppée ou choisie (qui a la préférence d’une partie du patronat) réclamée par les Zemmour et autres Le Pen, est déjà en place. Tout comme est en place – et souvent sous prétexte de lutte contre le « terrorisme islamiste » – une politique brutalement répressive dans les quartiers populaires et d’immigration livrés aux forces policières largement gangrenées par le racisme et le fascisme. Nul doute qu’au pouvoir, les fascistes feraient pire. D’un racisme d’État on passerait à un État raciste mettant en œuvre une épuration de tout ce qui mine la nation : les personnes racisées mais aussi le mouvement ouvrier et toute forme de démocratie. Ce passage est préparé – idéologiquement, juridiquement, institutionnellement, matériellement – par les politiques de gouvernements qui osent encore se prétendre « démocratiques » !
Quelle société voulons-nous ?
La propagande mensongère du gouvernement cherche à désigner l’étranger comme dangereux, encourageant ainsi le racisme et la montée du fascisme. C’est la vieille recette du bouc émissaire pour détourner le mécontentement. Les chiffres de la délinquance étrangère sont stables, à un niveau bas entre 14 % et 16 %, bien loin des 50 % agités ! Et dans ces chiffres sont mélangés tous les délits, y compris les infractions liées au séjour irrégulier.
Faire échec à la loi Darmanin est un enjeu pour nous toutes et tous. Il s’agit de se battre pour un autre avenir, un autre monde que celui de la pauvreté, des murs, des inégalités, du racisme. Une société où il fera bon vivre, qui développera les valeurs de solidarité, d’acceptation de l’autre et de la diversité en donnant à toutes et tous les moyens de vivre dignement.
Les manifestations du 18 décembre ont été le premier round et une première dynamique de cette bataille générale dans toutes les villes de France. La possibilité de gagner contre cette loi reposera sur l’unité de toutes les forces et de la diversité des modes d’action (de rue, juridiques, médiatiques ou institutionnels). Mais disons-le sans détour : le moteur du succès sera la mobilisation populaire.
Alors les suites doivent déjà se construire. Dans tous les lieux de travail, dans tous les quartiers, même à petite échelle, il faut organiser rapidement des réunions d’information sur le projet de loi et ses conséquences. Et réunir les forces, les coordonner. À Paris, une assemblée publique est déjà planifiée pour le 20 janvier. Et ailleurs ? La victoire n’est jamais sûre. Elle ne sera plus loin quand nous serons nombreux à l’entrevoient comme possible. Construire cette possibilité commence aujourd’hui.
Une alternative face à la fascisation
Les gouvernements au service du capital, loin d’être un rempart contre le fascisme, ne font que lui paver la voie, y compris par leur politique antisociale qui jette des millions de travailleurEs dans la paupérisation et le désespoir instrumentalisé par l’extrême droite. L’urgence est dans la construction d’une alternative politique rompant avec ces politiques antisociales, autoritaires et racistes – avec le capitalisme.
Une telle alternative ne pourra se construire que si elle prend la mesure de la fascisation en cours et du danger. Et si elle prend en charge la lutte contre le fascisme et ce qui en constitue le cœur : le racisme et le nationalisme impérialiste qui s’entretiennent l’un l’autre, et contre toutes les formes d’oppression générées par le capitalisme. Une lutte trop longtemps – et aujourd’hui encore – considérée dans le mouvement ouvrier, y compris dans une gauche qui se veut révolutionnaire, comme secondaire, voire comme une diversion de la « lutte de classe ». Construire une telle alternative passe dès aujourd’hui par la mise sur pied d’unités d’action du mouvement ouvrier/social et par le combat aux côtés des migrantEs et des habitantEs des quartiers populaires qui ont déjà un avant-goût de ce que pourrait être la terreur fasciste.
Extraits de l’appel « Solidarité, liberté, égalité, papiers : contre Darmanin et son monde ! »
Le monde aujourd’hui incarné par Darmanin chasse, agresse, tue, expulse, discrimine, surexploite et divise sur la base de l’origine, la couleur de peau, la nationalité, la religion.
Ce monde qui brise les solidarités détruit aussi la planète, développe toutes les inégalités et s’attaque à tous nos droits. Ce monde porte la guerre et le fascisme.
Ensemble sans-papier, migrante, migrant, étranger, étrangère, racisé·e, musulmane, musulman, syndicaliste, féministe, écologiste, habitant·e des quartiers, organisons-nous, mobilisons-nous.
Nous disons que si nous ne ripostons pas quand l’un·e d’entre nous est discriminé·e, humilié·e, réprimé·e, exploité·e ce sont toutes nos luttes qui sont affaiblies.
Des centaines de milliers de sans-papiers vivent et travaillent aujourd’hui en France, cotisent, déclarent et paient des impôts sans aucun droit. Au moment où même certains patrons demandent des régularisations l’unité est plus que jamais cruciale pour gagner la régularisation de toutes et tous les sans-papiers, l’égalité des droits et des revenus et des conditions de travail décentes pour toutes et tous, français·e·s comme étranger·ère·s.
Si elle est brisée en un de ses points la solidarité ne peut tenir.
Acceptée pour les sans-papiers, l’inégalité sera plus difficile à combattre sur d’autres questions. Entre unité ou racisme, entre solidarité ou nationalisme, il faut choisir. Il en va de notre avenir à tou·te·s.
Dans le monde incarné par Darmanin, l’étranger, l’étrangère, est le problème, l’ennemi.
Mais nous sommes des millions d’étrangers, d’étrangères à son monde.
Ensemble devenons le problème de Darmanin. Notre monde s’appelle Solidarité.
Nous appelons à nous mobiliser partout ensemble et à inscrire nos revendications dans toutes les luttes.