Le 11 juillet, la commission des députéEs travaillant sur le projet de loi Asile-Immigration a décidé d’intégrer un amendement voté par le Sénat sur proposition d’un sénateur LREM de Mayotte. Cet amendement exige, pour l’attribution de la nationalité française aux enfants nés de parents étrangers sur le sol de Mayotte, que l’un des deux parents ait été en situation régulière depuis trois mois au moment de la naissance. Soit une remise en cause majeure du droit du sol.
Cette mesure, qui créerait des dizaines de milliers de sans-papiers, s’appuie sur l’état d’exception créé à Mayotte par les politiques des gouvernements français depuis des décennies, et le renforce. Sud Santé Sociaux Mayotte le rappelait en avril 2016 : « L’intégration de ce territoire n’est pas sans intérêts pour l’État français […]. Il permet à la France de percevoir des droits de pêche sur une zone très giboyeuse et des droits de passage sur le détroit du Mozambique, route maritime très fréquentée. Mais avant tout la France s’assure d’une implantation militaire stratégique très importante. » En revanche, l’État français est loin d’avoir investi, en particulier dans les services publics…
La démagogie xénophobe comme réponse aux problèmes sociaux
En avril 2016, le Syndicat des médecins généralistes de Mayotte énonçait, dans une lettre ouverte, des chiffres sans appel : 89 % de la population sous le seuil de pauvreté, 73 % sans moyen de transport individuel, 26 % des enfants en état de sous-nutrition, 41 médecins pour 100 000 habitantEs contre 156 en métropole (où existent pourtant de plus en plus de déserts médicaux.) Pour répondre aux besoins de scolarisation d’un département où 46 % de la population est âgée de moins de 14 ans, la CGT Éducation Mayotte revendique la construction de 500 classes dans le premier degré, de 10 collèges et 4 lycées avec des internats, 1 000 postes d’enseignantEs et 100 postes de personnels de santé, service sociaux…
Au lieu de cela, les seules réponses gouvernementales aux mobilisations massives de la population (la plus récente étant les plus de six semaines de grève générale en 2018) sont la démagogie et la xénophobie, en désignant les migrantEs comoriens comme responsables de la situation. Depuis des années, les expulsions augmentent, pour atteindre 23 000 « éloignements » annuels, soit près de 10 % de la population de l’île. Les moyens policiers et militaires pour empêcher les « kwassas-kwassas » (petites embarcations maritimes) de débarquer les ComorienEs à Mayotte sont également en augmentation constante. Selon un rapport sénatorial, durant la période 1995-2015, 7 000 à 10 000 personnes se seraient ainsi noyées. En 2016, d’après le Défenseur des droits, 4 285 enfants mineurs ont été placés en centres de rétention administrative bondés et indignes, au mépris de la loi qui prévoit la prise en charge et la protection des enfants mineurs isolés.
L’amendement qui renforce l’état d’exception à Mayotte est l’aboutissement des réflexions des éluEs macronistes qui ne manquent pas d’imagination déshumanisée. En mars dernier, en pleine grève générale, certainEs d’entre eux avaient envisagé, sous prétexte de répondre à la saturation de la maternité de Mamoudzou (près de 10 000 naissances par an), d’inventer un statut « d’extra-territorialité » qui priverait les enfants nés de mère étrangère de la nationalité française ! ContraintEs de reculer face à l’indignation des personnels médicaux, ils reviennent à l’attaque avec cet amendement. Une raison supplémentaire de se mobiliser contre la loi Asile-Immigration, Collomb et ce gouvernement.
Cathy Billard