Ce que font les migrantEs et la jeunesse depuis des mois à Lyon, Nantes, Grenoble, est puissant et éminemment politique : un mouvement de solidarité concrète fondé sur les occupations est en train de s’incarner sous nos yeux, qui se propage à Ouistreham, Montpellier, Clermont, Toulouse, Paris et ailleurs.
Dans l’agglomération lyonnaise, fief du ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, le collectif « Jamais sans toit » a recensé 120 enfants, scolarisés, à la rue avec leurs familles. Plus de 1 000 personnes dorment en ce moment dans le froid. Les centres d’hébergement d’urgence sont dits saturés alors qu’il est avéré que des places sont restées disponibles pendant plusieurs semaines. D’après l’INSEE, près de 25 000 logements sont vacants rien que sur la commune de Lyon. Mais les migrantEs sont abandonnés par les services publics, parfois enfermés, souvent triés, expulsés. Collomb, l’homme-qui-en-marre-de-passer-pour-le-facho-de-service, multiplie les circulaires et projet de loi répressifs.
De l’amphi C à l’amphi Z
Face à ces politiques, la jeunesse a décidé de prendre les choses en main. Une jeunesse qui fait souvent ses premières expériences de lutte et se politise. Fin novembre, une centaine de migrantEs chassés de la gare Part-Dieu ont ainsi été accueillis par des étudiantEs, qui ont occupé l’amphi C de l’université Lyon 2 pendant plusieurs semaines. Menacés à nouveau d’expulsion par la présidence de l’université qui voyait les vacances arriver, une solution d’urgence a dû être trouvée. C’est l’amphi Z, à Villeurbanne : un bâtiment vide de quatre étages ayant servi de centre de formation pour sapeurs pompiers, réquisitionné en guise d’hébergement d’urgence et baptisé ainsi pour marquer la continuité avec l’occupation de l’amphi C. À côté des multiples occupations de logements vides plus petits et discrets, il s’agit du plus grand squat de l’agglomération, un lieu d’habitation qui peut enfin servir de vitrine politique à l’organisation de luttes antiracistes et de solidarité avec les migrantEs.
Auto-organisation
En un temps record, l’eau, l’électricité et les sanitaires collectifs ont été rendus fonctionnels ; les besoins d’ameublement ont été réglés à la faveur d’appels aux dons. Près de 200 personnes vivent maintenant dans les 64 chambres. Et malgré le risque de saturation et les 80 chauffages électriques qui font sauter les plombs toutes les 10 minutes, il est humainement impossible de refuser les nouvelles arrivées quotidiennes. Les hommes célibataires, majoritairement subsahariens, tous sous le coup des accords de Dublin, se partagent les deuxième et troisième étages, tandis que les familles avec -enfants, principalement -albanaises, -occupent le premier étage.
La vie s’y organise en autogestion. Des assemblées générales d’habitantEs se tiennent régulièrement, où sont discutés et réglés les problèmes du quotidien : répartition des tâches de ménage, de cuisine, relatives à la sécurité. Des assemblées ouvertes aux étudiantEs et aux soutiens se tiennent tous les dimanches, où sont discutés les nouveaux besoins et les stratégies politiques. Des permanences et activités rythment les journées : cours de français, ateliers de chant et de musique, permanence médicale, écoute et soutien psychologique, projections de films, information juridique, ateliers de lecture partagée, d’écriture poétique, tournois de foot, etc. S’ajoutent des réunions de groupes de travail : féministe non mixte, pour les actions, pour la constitution d’une association, pour le ravitaillement, etc.
Une vie de luttes
La vie s’y organise aussi autour des luttes. Soucieux de ne pas s’isoler, les habitantEs ont rédigé une lettre d’invitation à un repas festif, destinée au voisinage. Une délégation s’est rendue à la réunion du collectif unitaire de soutien aux réfugiéEs et migrantEs, composé d’associations, de syndicats et partis politiques : sont prévus d’un côté un prochain rassemblement devant la préfecture pour la non-application de la procédure Dublin, de l’autre une réunion publique le 28 février à propos du projet de loi sur l’asile et l’immigration ; une manifestation commune est prévue le 10 mars pour le retrait de ce projet de loi. Et dans les tuyaux, en vue d’amplifier le rapport de forces : une montée à Paris le 17 mars pour la marche des solidarités puis l’organisation dans la foulée d’une coordination nationale. Ici et maintenant, un sentiment domine : vivons sans temps mort, débordons Macron !
Ananda (Lyon)