« Si le deuxième semestre 2017 est à l’image du premier, qu’aucune disposition d’urgence n’est prise, 2017 est en passe de devenir l’année la plus meurtrière pour la route migratoire la plus meurtrière de monde », déclarait le 6 juillet dernier John Dalhuisen, directeur d’Amnesty international Europe.
Les chiffres publiés par l’ONU sur la situation des migrantEs en Europe sont proprement effrayants. Filipo Grandi, Haut commissaire italien auprès de l’ONU, s’en est ému : « Ce qui se passe devant nos yeux est une tragédie. »
Un rapport de l’ONU accablant
Depuis le début de l’année, 2030 migrantEs sont morts noyés en Méditerranée. Cette comptabilité macabre ne tient compte que des « cadavres recensés », le nombre réel des personnes noyées étant de fait inquantifiable. Selon Amnesty International, le nombre de décès en mer a été multiplié par trois depuis 2015 tandis que « les États européens tournent progressivement le dos à une stratégie de recherche et de secours qui réduisait la mortalité en mer. »
Après avoir passé il y quelques mois des accords honteux avec Erdogan, l’Union européenne semble avoir trouvé un nouveau partenaire dans sa chasse préventive aux migrantEs : en juillet, lors d’une réunion tenue à Tallinn en Estonie, ce sont quelques 46 millions d’euros qui ont été attribués à l’actuelle faction dirigeante de « l’État » libyen pour subventionner les activités de ses garde-côtes. Ces derniers sont accusés par différentes ONG de maltraitance envers les migrantEs, de connivence avec certains passeurs, mais aussi, toujours selon Amnesty, de susciter des « mouvements de panique et des chavirements catastrophiques ». L’OIM (Organisation internationale pour les migrations) dénonce la tenue, en Libye, de « marchés aux esclaves » dont les migrantEs sont les victimes, et une augmentation de près de 600 % du « trafic sexuel ».
La solidarité réprimée
Nous avons largement dénoncé dans ces pages la répression que subissent les collectifs et individus qui, en France, soutiennent les migrantEs, à l’image de Cédric Herrou que nous avons interviewé la semaine passée. Le réseau -Migreurope dénonce l’internationalisation de cette répression, et le harcèlement systématique dont les ONG font l’objet. Alors qu’elles n’ont rien fait pour interdire aux fascistes d’affréter cet été un bateau destiné à empêcher le sauvetage de migrantEs en difficulté, les autorités européennes et italiennes n’hésitent pas à s’en prendre à des navires humanitaires. Médecins sans frontières a ainsi décidé de suspendre ses opérations de sauvetage.
Le 28 août, Macron a réuni les chefs des gouvernements italien, espagnol, tchadien, nigérien et libyen, en présence de Federica Morgherini, haute responsable aux questions migratoires pour la Commission européenne. Outre le baratin lénifiant habituel sur la coopération euro-africaine, il s’agissait de mettre en application les mesures de reconduite aux frontières et d’externalisation du contrôle des migrantEs. Cette aggravation des « conditions d’accueil » des migrantEs est à l’œuvre dans toute l’Europe, et singulièrement en France. Alors que de Macron à Hidalgo, les dirigeants se félicitent de la tenue des jeux Olympiques en 2024 et se préparent à investir des sommes colossales dans des infrastructures aussi éphémères que ruineuses, le gouvernement a prévu, pour l’accueil des migrantEs, de ne créer que 7 500 places d’hébergement pour 2018-2019 !
Une seule réponse : la mobilisation européenne
Au risque de nous répéter, les migrantEs dans l’ensemble de l’Europe ne représentent que 0,17 % de la population. Le vent de folie xénophobe et raciste attisé par les nationalistes et groupes d’extrême droite est criminel, et entretient les pires fantasmes. Les reculades électoralistes des organisations dites de « gauche » sont inquiétantes. Qui s’est soucié du sort des migrantEs pendant la séquence électorale, à part les candidats révolutionnaires ? De faux fuyants en atermoiements, tous se sont couchés devant le vieil argument de Michel Rocard prétendant que « la France ne peut accueillir toute la misère du monde ».
C’est le travail urgent des anti-capitalistes que de combattre ces politiques criminelles, au même titre que la loi travail XXL. Nous reviendrons prochainement sur les échéances de lutte que nous pouvons, que nous devons construire avec les organisations européennes qui veulent une Europe solidaire, antiraciste, antifasciste et anticapitaliste !
Alain Pojolat