Il faudra plus qu’une manifestation à Menton, à Calais ou au col de l’Echelle pour mettre un terme à cette barbarie des temps « modernes » qu’est le sort réservé aux migrantEs et réfugiéEs. Mais l’histoire nous a appris que c’est par les résistances qui s’organisent, qui s’alimentent les unes les autres, qui convergent, que l’on construit les mouvements émancipateurs, et les victoires contre les injustices et la barbarie.
Alors, réjouissons-nous, mais avec modestie, car le chemin est encore long pour que nous puissions imposer au sein d’une Europe gangrenée par les nationalismes, le racisme et les fantasmes d’« envahissement », une issue tout simplement humaine à l’accueil des migrantEs et réfugiéEs qui crèvent – littéralement – de froid et d’épuisement à nos frontières, des mauvais traitements dans les prisons libyennes ou noyés en Méditerranée.
Une belle manifestation
Rectifions tout d’abord le nombre de manifestantEs annoncé par les médias. Non, nous n’étions pas 500 le 16 décembre, mais le double. Nous avons pris soin d’effectuer un comptage sérieux à la frontière italienne : plus de 1 000 personnes. Mais n’en tenons pas rigueur au journaliste qui, au moins, s’était déplacé pour couvrir l’événement.
Nous n’étions pas les bienvenus à Menton : deux jours avant la manifestation, une affiche odieuse, digne d’un Robert Ménard, fustigeait un « rassemblement de casseurs d’extrême gauche en soutien aux clandestins ». Le seul incident à mentionner est venu de l’extrême droite locale (FN) qui, à mi-parcours, se sentant protégée par la très forte présence policière, a exhibé une pancarte haineuse anti-migrantEs pour faire dégénérer la manifestation.
Premier arrêt du cortège : la gare frontière de Menton-Garavan, dénoncée par l’association Roya citoyenne comme centre de rétention clandestin, d’où chaque jour des migrantEs, y compris des enfants, sont renvoyéEs en Italie sans même avoir pu faire valoir leur droit à l’asile. Un responsable régional de la CGT cheminots a dénoncé le sale boulot de collaboration que tentent de leur faire jouer les flics expulseurs, et témoigné des morts de migrantEs, renversés par des trains en empruntant la voie ferrée, ou électrocutés alors qu’ils se cachent dans des locaux techniques pour échapper aux contrôles.
Plusieurs réfugiéEs africains ont pris la parole : des témoignages poignants et accablants pour les autorités ! Une plaque a ensuite été posée « en mémoire de tous les migrantEs tuéEs par cette frontière à la recherche d’un refuge sur le chemin de l’exil ».
VenuEs de Lyon, Grenoble, Annecy, Chambéry, Valence, Romans, Montpellier, Avignon, Strasbourg, Rouen, Le Havre ou Paris, militantEs antiracistes, antifascistes, collectifs de sans-papiers (notamment la CSP 75 et son cortège très dynamique), les manifestantEs se sont ensuite dirigés vers la frontière. Gardé comme un coffre-fort par les flics de la PAF et la gendarmerie nationale, protégés derrière une barrière de grilles, le poste-frontière fermé pendant plusieurs heures ne pouvait mieux concrétiser l’urgence de notre slogan « de l’air, de l’air, ouvrez les frontières ».
Notre camarade Philippe Poutou, seul représentant politique national à la manifestation, et visiblement heureux d’être là, a réaffirmé l’engagement du NPA au côté des migrantEs, et la mobilisation de notre parti pour rendre possible cette manifestation.
Ce n’est qu’un début : objectif 17 mars
Plus de 150 organisations, associations et comités locaux ont soutenu l’appel à manifester le 16 décembre à Menton. Cette mobilisation « à la base » démontre que, loin d’attendre des consignes venues « d’en haut », des milliers d’activistes sont prêts à (se) mobiliser, à prendre des initiatives, à rompre avec le « silence des pantoufles » que voudraient nous imposer Macron et les dirigeants européens.
Pour que cette belle initiative ne reste pas sans lendemain, il nous faut dès aujourd’hui trouver d’autres échéances de mobilisation. Localement, en multipliant les actions de soutien aux migrantEs, comme à Nantes (voir page 8), à Lyon, à Villars-les-Dombes (voir page 8), à Ouistreham (page 10) ou à Paris : dans les universités, aux portes des prétendus centres « d’accueil », devant les sinistres camps de rétention…
À l’heure où les fascistes entrent au gouvernement autrichien, où les émules de Mussolini font leur réapparition en Italie et se livrent à des ratonnades, où les nostalgiques du franquisme participent activement à la répression du mouvement indépendantiste catalan, où l’air est devenu irrespirable pour les Africains en Pologne, au moment même où Macron prépare pour avril une réforme de l’immigration visant à renforcer les expulsions d’étrangers et à rallonger la durée des rétentions, nous devons nous emparer du 17 mars, journée internationale contre le racisme et le fascisme, avec nos camarades antifascistes et antiracistes au niveau européen pour sonner l’heure de la riposte.
Contre l’Europe des frontières et des camps de rétention ! Contre les guerres impérialistes ! Contre le retour de l’esclavage et la complicité des gouvernements européens, notamment français ! Pour la fermeture des centres de rétention ! Pour la protection immédiate et sans condition des mineurEs, ou supposés tels, accompagnés ou non ! Pour la régularisation de tous les sans-papiers ! Pour l’ouverture immédiate des frontières, la liberté de circulation et d’installation !
Alain Pojolat