1 500 tracteurs, des milliers de manifestants à Paris le jeudi 3 septembre... Mais pourquoi ?
La crise de l’agriculture en général, de l’élevage en particulier, est bien réelle, la détresse de paysans qui n’arrivent plus à vivre de leur travail est aussi une réalité. Mais les objectifs de la manifestation de la FNSEA et du CNJA (les « Jeunes agriculteurs ») tournaient radicalement le dos à toute sortie de cette crise. Les « solutions » de la FNSEA, qui sont exactement les recettes appliquées depuis des dizaines d’année, ne peuvent que causer plus de faillites, de disparitions de fermes, de désespoir. C’est, comme le dénonce la Confédération paysanne, un « enterrement de première classe ».
Le déroulement de la journée était parfaitement orchestré : convergence des convois de tracteurs, défilé, rassemblement place de la Nation, rencontre avec Valls, discours et annonces. Les demandes de la FNSEA sont toujours les mêmes : trois milliards d’euros d’investissements, moins de « charges », moins de normes...
Sans surprise, Xavier Beulin, président de la FNSEA et gros patron de l’industrie agro-alimentaire, et Thomas Diemer des Jeunes agriculteurs, ont été « entendus » par Manuel Valls... tant leurs discours libéraux convergent. Le Premier ministre s’est même fendu d’une déclaration enflammée : « C’est un message d’amour, c’est un message fort et sincère : vous avez le soutien de la Nation ». Il n’y a pas eu que les mots, il y a aussi les preuves d’amour à l’égard de cette agriculture capitaliste. Valls a donc annoncé des rallonges financières au plan d’urgence du 22 juillet pour les éleveurs, et repris à son compte la demande de la FNSEA, indiquant qu’en comptant l’État, la Région et l’Europe, les aides totales aux agriculteurs seront portées à « 3 milliards d’euros en 3 ans ». À côté des promesses d’« année blanche » pour le remboursement des dettes bancaires des agriculteurs en difficulté, de baisse des cotisations, son discours est tout entier centré sur la « mo-der-ni-sa-tion » : modernisation des outils de production avec l’appui de l’Union européenne, modernisation des outils d’abattage-découpe en augmentant les subventions de l’État.
Sifflets et huées
Enfin, cerise sur le gâteau productiviste et pollueur, Valls entonne à son tour le couplet anti-écologique : « L’urgence, c’est aussi la simplification des normes. Car l’excès de réglementations joue contre nos exploitations dans la concurrence européenne et mondiale. (...) D’ici février – et c’est une pause – aucune mesure nationale allant au-delà des obligations européennes ne sera prise. » Exit donc tout ce qui protège un tant soit peu l’environnement, la qualité de notre alimentation et la santé des agriculteurs.
Le seul imprévu de cette journée réside probablement dans les sifflets et huées d’une partie des manifestants à l’issue du discours de Xavier Beulin qui se félicitait du résultat de la rencontre.
En effet, loin de sauver les paysans, les mesures éloigneront peut-être – provisoirement et pour certains seulement – la menace de la faillite, mais globalement elles ne feront qu’accélérer ce que Laurent Pinatel de la Confédération paysanne appelle à juste titre un « énième plan de licenciement de l’agriculture ».
La solution ne réside pas dans des « aides » récurrentes qui bouchent un temps quelques trous, mais dans la refondation d’une agriculture de qualité, une agriculture dégagée de l’injonction à l’exportation et de la concurrence, avec des prix rémunérateurs pour les agriculteurs, pas pour les industriels de la mal bouffe. Une agriculture qui ne se confonde pas avec l’industrie et la finance, mais qui soit respectueuse de la nature et des hommes.
Commission nationale écologie