La mobilisation des agriculteurs a fait l’actualité de l’été. Dans la population, en particulier parmi les salariéEs qui ressentent cruellement l’impossibilité de se faire entendre et de faire reculer le gouvernement, les sentiments sont mêlés...
Se disputent d’un côté une certaine admiration pour la radicalité des modes d’action vus comme efficaces, mais aussi un sentiment d’injustice, en particulier chez les militants qui sont régulièrement réprimés, face à ce qui est perçu comme la bienveillance de la police, une sorte de « deux poids, deux mesures ». La situation est contradictoire, le monde paysan n’est pas d’un seul bloc.
Les groupes s’engraissent, les paysans crèvent...
Depuis cinquante ans, le modèle dominant de l’élevage, imposé par la Politique agricole commune, les gouvernements et la FNSEA, repose sur la course au volume, « toujours plus, toujours plus grand », avec ses corollaires, l’endettement et l’industrialisation. Il est inscrit dans le marché mondial et soumis à une concurrence féroce. Il subit la domination des grands groupes capitalistes qu’il engraisse, en particulier dans la grande distribution et dans la restauration collective, et dépend de l’instabilité du marché des céréales fourragères aggravée par le rôle des agrocarburants sur le prix du soja et du maïs et par la volatilité du prix des engrais.
C’est ce système de l’agro-industrie qui est en crise. Une crise profonde, durable, structurelle, d’un modèle qui n’est pas viable, crise aujourd’hui aggravée par la chute des cours. Comme dit le porte-parole de la Confédération paysanne, Laurent Pinatel : « Ce que nous connaissons, c’est une crise du productivisme. Il y a trop de lait, de viande. Il faut réduire la production et revenir à des modes de production plus raisonnables, plus respectueux de la nature ».
Crises et scandales sanitaires, crises environnementales (algues vertes..), les alertes ont été nombreuses, montrant la dangerosité d’un tel modèle. Aujourd’hui, ce sont les éleveurs eux-mêmes, ceux qui ont été les bons élèves de cette « modernisation », qui sont menacés de disparition et n’arrivent plus à vivre de leur travail.
Stop ou encore plus ?
Face à cette crise, deux réponses opposées : l’une incarnée par la FNSEA, l’autre par la Confédération paysanne.
Pour la première, « Il faut engager un vaste plan pour moderniser les bâtiments, automatiser les abattoirs, organiser les regroupements d’exploitations afin qu’elles soient plus productives ». Son président Xavier Beulin réclame trois milliards d’euros d’investissements sur trois ans pour permettre à l’agriculture française de « retrouver de la compétitivité face à ses voisins européens ». Ce grand patron de l’agrobusiness estime en plus qu’il faut adapter les règles fiscales aux aléas de l’agriculture et exige un moratoire d’un an sur les normes environnementales... Il veut tout simplement pousser encore plus loin la logique productiviste qui a mené à la catastrophe actuelle.
La FNSEA appelle le 3 septembre à une journée de mobilisation des éleveurs et cultivateurs de céréales et de fruits et légumes, pour faire une démonstration de force à Paris. Nul doute qu’elle y parviendra... mais pour demander des remèdes qui aggraveront le mal.
La Confédération paysanne mobilise elle aussi, mais sur d’autres mots d’ordre, avec des caravanes parties le 29 août qui arriveront à Bruxelles pour les manifestations prévues les 6 et 7 septembre à l’occasion du Conseil des ministres de l’Agriculture de l’Union européenne. Pour la Conf’, « c’est un véritable plan de licenciement dans l’agriculture qui est en marche ! ». Mais pour sauver les paysans, elle défend une agriculture paysanne partout sur le territoire, une alimentation de qualité pour tous.
Pour cela, il faut tourner le dos aux fausses solutions qui ont pour nom compétitivité, productivité, exportations de masse. Il faut changer de système, pour une agriculture qui respecte les travailleurs et travailleuses de la terre, l’environnement. Ce combat là ne doit pas être celui des seuls paysans, il concerne toute la société.
Commission nationale écologie