Il suffit que Macron s’empare d’une idée pour lui faire perdre toute signification : la démocratie de la convention citoyenne, la planification écologique, et aujourd’hui la sobriété.
Dans son discours du 14 juillet, Macron proclamait : « On doit rentrer collectivement dans une logique de sobriété […]. On va préparer un plan pour se mettre en situation de consommer moins. » Ça claque ! Mais dès qu’il précise les choses, ça fait pschitt : « On va essayer de faire attention collectivement le soir aux éclairages quand ils sont inutiles »,
« On va demander à tous nos compatriotes de s’engager »… On comprend que c’est à nous de faire attention, qu’il n’est question que de comportements.
Ni objectif ni contrainte
Et quand il annonce un « plan pour les administrations publiques » et un « plan de sobriété et de délestage avec nos entreprises », on reste dans la même logique de changement des comportements : baisser le chauffage, changer les « habitudes » des salariéEs en matière de mobilité… Avec une bonne dose de greenwashing, les véhicules électriques occupant une place de choix, comme s’ils ne consommaient ni énergie ni matière première ! Évidemment, il n’est pas question d’imposer quoi que ce soit aux entreprises, ni objectif chiffré ni contrainte, tout se négociera, éventuellement avec les « partenaires sociaux » — et gageons qu’il s’en trouvera pour s’engouffrer dans ces parlotes inutiles !
La grande distribution s’est précipitée pour jouer les bons élèves. Elle annonce une « stratégie forte » de réduction de sa consommation d’énergie à partir de l’automne. Si la situation n’était pas si dramatique on éclaterait de rire tant les mesures prévues — extinction des enseignes lumineuses dès la fermeture, réduction de l’éclairage, baisse de la température — sont dérisoires au regard de la responsabilité écrasante de ce secteur dans le gaspillage alimentaire et la déforestation.
Leur sobriété n’est décidément pas la nôtre
C’est qu’il y a arnaque, dès le départ, quand Macron parle de sobriété. Même s’il fait une référence à la « nécessité d’accélérer la réponse au réchauffement climatique » (difficile à ignorer cet été !), ce n’est pas son problème, il s’agit tout au plus de répondre à la menace de pénurie de gaz en provenance de Russie et à la faillite du mode de production électrique français.
On est loin de la sobriété évoquée par le GIEC qui concerne, outre l’énergie, les matériaux, le sol, l’eau... Comme l’explique Yamina Saheb, experte du GIEC : « La sobriété n’est pas l’austérité ! Bien au contraire, les politiques de sobriété préservent l’accès pour tous aux services essentiels en éliminant les consommations superflues des plus aisés. […] Les citoyens ne pourront avoir des comportements sobres que si, et seulement si, les politiques publiques mettent d’abord en place les solutions nécessaires pour que les activités essentielles au bien-être de tous se déroulent dans le respect des limites planétaires. » Dans ce sens, notre sobriété implique la gratuité des transports publics, l’arrêt des projets, productions et activités inutiles, la réduction du temps de travail, un plan d’isolation des logements, la gratuité de l’eau et de l’énergie pour les besoins de base… Autant de mesures qui choisissent résolument les urgences sociale et écologique face aux profits et à la surconsommation des riches.