Lorsqu'à la fin laborieuse de la COP 26 il a été annoncé que la prochaine COP aurait lieu en Égypte, un grand nombre d'ÉgyptienNEs ont été stupéfaitEs. Comment un pays aussi peu préoccupé par les questions d'environnement a-t-il pu être choisi ?
Alors que la Haute Égypte est en pleine zone désertique, à la mi-novembre la région d'Assouan a connu des précipitations diluviennes de pluie et de grêle qui ont démoli plusieurs maisons et qui ont surtout chassé de leurs cachettes des milliers de scorpions et de serpents. Au moins cinq personnes sont mortes sous les décombres de leur maison et près de 500 personnes ont été piquées par les scorpions, submergeant un système de santé déjà défaillant. D'une façon plus structurelle, alors que le pays dépend à plus de 90% de l'eau du Nil, le Grand Barrage de la Renaissance, que l’Éthiopie a construit sur le Nil Bleu, menace l'existence même des 110 millions d'habitantEs qui sont déjà en situation de stress hydrique. Le débit de plus en plus faible du Nil accélère la salinisation des terres arables du Delta et l'érosion de la côte méditerranéenne, ce qui réduit les capacités de production agricole. Malgré des déclarations tonitruantes, l’État ne fait que peu d'efforts pour faire face au défi climatique. Ce sont souvent des associations de jeunes qui se sont tournées vers des actions de terrain : ramassage des déchets, mise en place de containers de recyclage, protection des tortues marines, actions sympathiques certes, mais dérisoires au regard des défis posés.
La COP 27 ou le verdissement d'un pays qui bafoue les droits humains
Il est clair qu'en proposant d'être hôte de la prochaine COP, Sissi cherche à donner une image positive d'un pays qui dépend d'une façon cruciale de l'aide extérieure. Tous les grands travaux d'infrastructures comme le métro du Caire, le tramway d'Alexandrie ou la rénovation des voies ferrées sont financés par des institutions étrangères comme l'Agence française du développement. Aux États-Unis, pays qui subventionne le plus l’Égypte, un nombre croissant de voix appellent à conditionner l'aide apportée au respect des droits humains. Fin octobre 2021, Sissi a annoncé triomphalement la fin de l’état d'urgence en place dans le pays de manière quasi continue depuis 1981 : « L’Égypte est devenue une oasis de sécurité et de stabilité dans la région, et j’ai donc décidé, pour la première fois depuis des années, de suspendre l’extension de l’état d’urgence à travers le pays ». Mais la loi d'urgence n'était déjà plus, depuis déjà des années, le principal instrument de la répression. Depuis 2013 (loi anti-manifestation) jusqu'à aujourd'hui, une dizaine de lois permettent de poursuivre une politique liberticide qui n'a même plus besoin du cache-sexe de la loi d'urgence. Seule petite avancée, la cour d'urgence de la sécurité de l'État est supprimée. Ce qui veut dire que celles et ceux qui seront jugéEs pourront faire appel.
Le silence complice de l'Occident
Un grand nombre de violations des droits humains en Égypte sont parfaitement documentées grâce au travail courageux d'associations égyptiennes et internationales, mais rien n'y fait. Pratiquement tous les pays ferment les yeux et continuent de coopérer au nom d'une soi-disant lutte contre le terrorisme. La France qui a vendu à l’Égypte rafales, frégates, corvettes, porte-hélicoptères et qui n'a pas hésité à décorer le dictateur Sissi de la grand croix de la Légion d'honneur vient d'être rattrapée par les révélations faites par les journalistes de Disclose. Depuis 2016, l'aviation française fait des vols de reconnaissance dans le désert égyptien à la frontière avec la Libye, officiellement pour repérer des mouvements de terroristes et fournit les renseignements à l'armée égyptienne. En fait, l'aviation égyptienne s'en sert pour bombarder des pick-up de contrebandiers et « les forces françaises auraient été impliquées dans au moins dix-neuf bombardements contre des civils, entre 2016 et 2018 » (Disclose). Malgré les alertes lancées par les membres de la mission sur le terrain, rien n'y a fait et la mission française n'a pas été remise en cause.
La situation est plus que volatile pour le régime. D'ici la COP 27, dans un an, il est douteux que le pays fasse des progrès foudroyants en matière de démocratie. N'importe quoi peut se passer d'ici là et le fait que Sissi ait choisi Charm El Sheikh, bien loin de tous les centres urbains égyptiens, est tout à fait révélateur d'un État qui se méfie de son peuple et ne tient que par la répression.