Publié le Samedi 7 février 2015 à 21h13.

Politique agricole commune : amende salée pour la France

1,078 milliard d’euros, c’est la somme que la France va devoir rembourser à Bruxelles. La Commission européenne estime en effet que c’est le montant des aides trop perçues par l’agriculture française. Or ce ne sont pas les bénéficiaires qui vont payer, mais l’argent public...

En effet, avant les élections départementales, pas question de se mettre la profession agricole à dos. Stéphane Le Foll, le ministre de l’Agriculture, s’est donc empressé de faire savoir que l’État prendrait à sa charge le remboursement. L’austérité n’est pas pour tout le monde !Ce montant couvre la période 2008-12. Si la France n’est pas le seul pays condamné, c’est le plus lourdement sanctionné (3/4 du montant total de 1,4 milliard d’euros). Cette amende, que Le Foll qualifie pudiquement d’« apurement », recouvre des situations très différentes.Ainsi la filière betteraves et sucre. Face à la surproduction et pour respecter les règles de commerce internationales, l’UE a décidé de restructurer la filière en supprimant les quotas sucriers d’ici 2017. Dès 2006 des aides ont été accordées aux producteurs de betteraves et aux industriels du sucre. Mais si l’argent a bien été versé, la restructuration n’a pas toujours eu lieu. Et ce n’est pas fini, Le Foll veut que cette filière reste un leader européen et mondial en favorisant fiscalement le bioéthanol – qui n’a de bio que le nom – fabriqué à partir de betteraves sucrières.Les surfaces primées représentent le plus gros de l’amende, 695 millions d’euros. Bruxelles reproche à la France de ne pas savoir mesurer ses champs et ses prairies. Un peu dur à avaler quand on sait que les contrôles satellitaires existent depuis plus de 20 ans et que les agriculteurs connaissent très bien les limites de leur propriété...

Changer les pratiques agricolesCertaines aides sont liées au respect de règles écologiques, et les syndicats ont beau jeu de se plaindre de la complexité de ces règles – les règles d’écoconditionnalité – qui, pour certaines, sont aussi difficiles à respecter qu’à vérifier. Il s’agit, par exemple, de ne pas épandre plus d’une certaine quantité de déjections animales par hectare, de stocker les fumiers d’une certaine manière, de ne pas laisser de sols nus en hiver, de diversifier les assolements, de conserver haies, arbres et fossés, de laisser une bande enherbée le long des cours d’eau, etc. Il n’est pas surprenant que la France soit condamnée sur cet aspect, puisqu’elle est aussi régulièrement condamnée pour non-respect de la directive nitrates (avec pour conséquence la prolifération des algues vertes en Bretagne), que les dérogations préfectorales qui permettent aux agriculteurs de ne pas implanter de couvert végétal en hiver sont légion. Quant aux arbres, il y a longtemps qu’ils ont disparu des plaines céréalières.Mais la solution n’est pas la simplification des règles comme le prônent par la FNSEA ou la Coordination rurale. C’est bien le changement des pratiques agricoles. Toutes les règles d’éconditionnalité ne serviront à rien tant qu’on continuera à favoriser les élevages industriels ou les « nécrocarburants », qu’on laissera les chimistes vendre leurs produits mortifères, qu’on favorisera l’exportation plutôt que le bien-être des consommateurs et des paysans. Avec le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, l’administration des territoires a été saignée et ne peut plus effectuer son travail de contrôle. Un milliard d’euros aurait pu aider 50 000 jeunes maraîchers à s’installer, au lieu de bénéficier aux gros producteurs grâce au gouvernement et à Bruxelles !

Commission nationale écologie