Mercredi 18 décembre, la cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé illégales les autorisations délivrées à quatre « réserves d’irrigation » du Poitou (autrement appelées bassines), dont celle contestée de Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres. Victoire limitée, mais victoire tout de même ! On ne va pas bouder son plaisir !
La lutte continue, et la dernière décision de justice donne raison à celles et ceux qui se sont battuEs pour empêcher la mise en place des mégabassines : Sainte-Soline et trois autres bassines (Saint-Sauvant, Mougon, Messé) ont été autorisées en dépit d’un vice de forme que la cour administrative d’appel de Bordeaux sanctionne aujourd’hui. En effet, le dossier de ces bassines aurait dû contenir une dérogation « espèces protégées », permettant en l’occurrence de passer outre la protection de la fameuse et protégée outarde canepetière !
Sainte-Soline : une bassine hors la loi !
Cela signifie que l’État, qui a déployé des moyens ahurissants pour aller au bout de ces projets, interdit les manifestations, pourchassé les opposantEs, l’a fait pour imposer une décision illégale !
Cela signifie que le ministre de l’Intérieur Darmanin, qui a mobilisé des forces sans précédent pour faire taire, quel qu’en soit le prix, les opposantEs, l’a fait pour imposer une bassine jugée illégale ! Que les dizaines de victimes, dont plusieurs très gravement blessées, ont payé de leur intégrité physique et morale un acharnement politiques digne d’un État autoritaire.
Cela signifie que la dissolution des Soulèvements de la Terre, suivant directement la manifestation de Sainte-Soline et depuis infirmée par le Conseil d’État, relevait d’un abus de pouvoir : tout cela pour un chantier illégal !
La lutte paie !
Grande est la détermination des opposants aux bassines ! Bassines Non merci, les collectifs locaux, la Confédération paysanne, les Soulèvements de la Terre, les dizaines d’associations, de syndicats, de partis politiques (dont le NPA), qui n’ont jamais rien lâché engrangent aujourd’hui un succès significatif pour clore en beauté l’année 2024 !
S’il faut donner crédit à la justice administrative d’avoir rendu une décision conforme au droit, en toute indépendance, semble-t-il, comme elle a cassé la dissolution des Soulèvements de la Terre, il serait risqué de se reposer sur elle pour obtenir des victoires contre la prédation capitaliste à l’encontre de la nature, contre la logique productiviste et extractiviste. Loin de nous l’idée selon laquelle ce seraient nos mobilisations qui dicteraient aux juges leurs délibérations, et c’est très loin d’être le cas. En revanche, l’existence d’une mobilisation acharnée, le recours par les opposantEs à tous les moyens à leur disposition — pétition, manifestations, blocages, recours juridiques systématiques — établit un rapport de forces et un contexte social propice au débat public, à des décisions de justice qui respectent le droit et prennent en compte l’état de la société à un moment donné. C’est ce qu’il faudra continuer à faire pour l’A69, pour les inculpéEs du béton (voir page 6). Les exemples de Plogoff à la fin du 20e siècle et de Notre-Dame-des-Landes au début du 21e siècle le montrent : c’est l’articulation entre toutes les formes de luttes, les recours juridiques, les interpellations politiques, l’engagement massif des populations, le recours à des moyens déterminés voire radicaux qui, au bout du compte, peut entraîner une décision qui est, dans tous les cas, une décision politique !
Sur tous les fronts !
Les succès partiels entérinés par les tribunaux ne doivent pas nous endormir, bercés par la douce musique qui dirait : « j’ai confiance en la justice de mon pays ! » Bien au contraire, ils doivent être l’occasion de regonfler le moral des troupes : on obtient un délai, on enregistre une victoire partielle, que cela nous serve à repartir de l’avant, à préparer la suite des mobilisations ! On ne lâche rien ! Sur l’A69, sur les bassines, sur le béton et le nucléaire, comme sur tous les projets inutiles et néfastes, la lutte paiera si nous sommes capables de la maintenir jusqu’au bout à un haut niveau d’intensité !
Vincent Gibelin