La nouvelle mouture de la taxe carbone, préparée par le gouvernement après la censure du Conseil constitutionnel, conserve tous les défauts de la première. Après le camouflet infligé par le Conseil constitutionnel au gouvernement, celui-ci prépare un nouveau texte législatif sur la contribution climat énergie, ou taxe carbone.La principale objection du Conseil concernait l’exonération dont bénéficient des entreprises qui participent au marché des droits à polluer et qui, au moins jusqu’à 2013, recevront gratuitement des quotas d’émission de gaz à effet de serre (GES). Les diverses exonérations du premier texte concernent 93 % des émissions de GES, ce qui montre bien la complicité du gouvernement avec les lobbies industriels les plus pollueurs. Mais d’autres points posent également problème et n’ont pas été signalés par le Conseil constitutionnel, comme l’exonération pour le secteur électrique, ouvrant les portes à l’industrie nucléaire. Par ailleurs, il se déclare prêt à minorer fortement la taxe pour préserver la compétitivité économique de certains secteurs industriels. Le problème de fond d’une telle taxe demeure, surtout pour les particuliers, qu’on veut obliger à modifier leurs comportements, sans leur offrir les infrastructures publiques nécessaires, que ce soit dans les transports, l’habitat et le chauffage, la nourriture et l’agriculture. Le Medef profite de l’occasion pour repartir à la charge pour n’être soumis à aucune contrainte, malgré la crise climatique. Le casse-tête du gouvernement se situe bien là.
Pour être en conformité avec l’avis du Conseil constitutionnel, il doit taxer des entreprises « soumises » aux quotas européens d’émissions de GES. Celles-ci ne veulent pas avoir l’impression de devoir payer deux fois (en réalité une seule fois jusqu’en 2013, et même au-delà pour certaines d’entre elles). Il faut donc trouver un nouveau moyen de diminuer leurs impôts, puisque désormais, la suppression de la taxe professionnelle ne suffit plus aux chefs d’entreprise.
D’où l’idée de Jean-Louis Borloo d’instaurer un système de bonus-malus pour les entreprises : après avoir fixé un taux d’émission moyen, celles-ci seront taxées si elles le dépassent ou, dans le cas contraire, récompensées par une aide à l’investissement.
Le gouvernement parvient à satisfaire encore plus les intérêts des patrons que dans le projet précédent, dans la mesure où une partie des entreprises non seulement ne seront pas taxées, mais en plus recevront de l’argent public pour les remercier de s’être converties au capitalisme vert. Rien n’est encore fixé, mais c’est dans cette direction que semble aller le gouvernement qui pourrait cette fois recevoir l’aval du Conseil constitutionnel. Une concertation entre le gouvernement, les représentants de l’industrie, les partenaires sociaux et les ONG environnementales devrait avoir lieu début février, pour la présentation d’un nouveau projet au printemps. Il n’est donc pas trop tard pour qu’une mobilisation sociale ait lieu contre la taxe carbone, et plus globalement contre la politique fiscale de Sarkozy. Elle doit être l’occasion d’expliquer à quelles conditions des écotaxes sont possibles : seulement si elles sont intégrées dans une refonte globale de la fiscalité assurant l’égalité sociale et s’en prenant aux profits des gros pollueurs ; seulement s’il est d’abord assuré l’accès gratuit aux besoins premiers que sont les transports en commun, le chauffage, l’énergie et l’eau. Alors, on pourra envisager une fiscalité visant à encourager les changements de comportement des individus. Vincent Gay