Une nouvelle fois, les États belge et français vont mettre la main au portefeuille pour sauver Dexia.Ce week-end, François Fillon et son homologue Yves Leterme, Premier ministre belge, ont conclu un accord pour sauver de la banqueroute Dexia, un plan de démantèlement-sauvetage dont la facture sera payée par la population, des expédients qui, pour sauver les financiers, creusent la dette des États...
Dexia est née de la privatisation, en 1987, d’un organisme public, la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales (CAECL), puis de la fusion en 1997 de la nouvelle banque avec le Crédit communal de Belgique dans le cadre de la mondialisation libérale pour le bonheur des gros actionnaires.
De 2000 à 2009, Dexia a déclaré plus de 14 milliards d’euros de bénéfices ! Ces profits provenaient pour l’essentiel de la vente de prêts à taux variable auprès des collectivités territoriales et des établissements publics à la place de prêts à taux fixe. Ces prêts, au départ avantageux, se sont avérés des emprunts « toxiques » dont les taux ont considérablement augmenté sous les effets de la crise financière, taux quasi usuraires. Sauvée une première foisDexia, une première fois en difficulté lors de la crise financière de 2008, a été renflouée pour 150 milliards d’euros par les États français et belge qui n’ont exigé aucune contrepartie ni le moindre contrôle. Ses pratiques spéculatives n’ont cessé de se développer comme celle qui consiste à prêter sur 30 ans avec des fonds propres faibles en se finançant par des emprunts à court terme ou des spéculations sur les produits toxiques. Ses difficultés se sont aggravées, son cours de Bourse a chuté de plus de 85 % en trois ans, jusqu’à la menace de faillite. Pourtant, en juillet, Dexia avait réussi haut la main les stress tests de l’Autorité bancaire européenne censés évaluer la solidité des banques !
Le scandale de ces pratiques usuraires vient sur la place publique en septembre au moment où la solvabilité des 21 milliards d’euros qu’elle détient sur la dette de la Grèce, du Portugal, d’Italie est mise en doute. Dexia perd les moyens de se financer, la faillite est là sans autre issue que l’intervention des États belge et français. DémantèlementLes actifs les plus toxiques, évalués à 95 milliards d’euros, seront concentrés dans une structure dite de défaisance, dénommée « bad bank », la mauvaise banque, jouissant de la garantie des États français et belge répartie dans des proportions identiques à celles de 2008 (lors du sauvetage de Dexia), soit 60,5 % pour la Belgique, 36,5 % pour la France et 3 % pour le Luxembourg.
Ensuite, l’État belge prend le contrôle de la totalité de Dexia Banque Belgique, l’entité belge du groupe, rachetée pour un montant de 4 milliards d’euros. Plus de 70 milliards d’euros de prêts aux collectivités locales, dont toute une partie sont à risques et pourraient ne pas être remboursés, passeront entre les mains de la Caisse des dépôts et consignation (CDC). La France devrait créer une nouvelle banque dédiée aux collectivités, détenue à la fois par la Banque Postale et par la CDC. Le Luxembourg participe à la reprise de la branche luxembourgeoise de Dexia, Dexia BIL par un consortium dépendant de la monarchie du Quatar. Denizbank, la filiale turque, va être aussi vendue. ExpédientsCe montage financier sauve dans l’urgence les intérêts des gros actionnaires sans même chercher une réponse à la crise financière que connaissent les collectivités locales ni celle des établissements publics piégés par les prêts usuraires. Ce ne sont que des expédients comme les mesures exceptionnelles annoncées par le dirigeant de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, qui permettront aux banques de la zone euro de se financer de manière illimitée et gratuite auprès de la BCE qui leur rachètera pour 40 milliards d’actifs pourris. Comme le sont aussi les engagements pris par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel de recapitaliser les banques.
Des expédients pour alimenter la machine à profit qu’est le système financier au moment où l’OCDE annonce une détérioration de la marche des principales économies mondiales. La rechute fatale de Dexia n’est pas un cas particulier mais bien un nouveau symptôme d’une catastrophe annoncée. La socialisation des banques sous le contrôle de la population, l’annulation de la dette publique sont bien des mesures d’urgence indispensables pour enrayer cette course folle.
Yvan Lemaitre