Le pouvoir ne se contente pas de distribuer des milliards aux grandes entreprises (en les laissant libres de supprimer des emplois), ni de se préparer à des mouvements de protestation en laissant libre cours à sa police (loi « sécurité globale ») et en divisant les oppriméEs (loi « séparatisme »). Il prépare aussi une nouvelle cure d’austérité et d’attaques contre les services publics en remettant sur le tapis la dette publique.
Celle-ci est passée de 99 % du PIB en 2019 (PIB) à 120 % en 2020. Il faudra la rembourser, martèle Bruno Le Maire, « oubliant » qu’un État ne rembourse pratiquement jamais sa dette : il paye les intérêts et rembourse le capital en empruntant à nouveau, c’est ce qu’on appelle « faire rouler la dette ». Le problème, ce sont donc les intérêts : et justement, en ce moment, la France (comme beaucoup d’autres grands pays capitalistes) emprunte à des taux négatifs. Les marchés financiers dopés par les opérations de soutien des grandes banques centrales sont avides de titres sûrs comme ceux émis par les États et, pour cela, sont prêts à perdre un peu sur les intérêts. Il n’y a donc pas urgence, d’autant que des solutions techniques existent dans le cadre même du capitalisme, comme le rachat de la dette par la BCE, soutenu par des économistes ou des banquiers qui n’ont rien de révolutionnaires.
Cependant, l’arme de la dette est utile aux gouvernants. Depuis des années, ils répètent que la France dépense trop alors qu’une bonne partie de la dette publique est la conséquence des cadeaux fiscaux aux revenus élevés, aux grandes fortunes et aux entreprises. Pour entretenir l’agitation sur la dette, le gouvernement a créé une « commission sur l’avenir des finances publiques » de 10 membres à peu près tous coulés dans le même moule : hauts fonctionnaires, dirigeants du privé, économistes néolibéraux, avec une caution « de gauche » : l’ex-ministre de la Santé de François Hollande, Marisol Touraine. Il n’y a pas besoin de réfléchir longtemps pour savoir ce qui en sortira.
D’ailleurs, le président de la commission, Jean Arthuis (ex-ministre de Chirac) a déjà donné son opinion : pas d’impôt sur la fortune, pas d’effacement de la dette, donc réduction de la dépense publique et réforme des retraites. S’y ajouteront sans doute quelques bidouillages techniques sur la gestion de la dette.
Le rapport de la commission sortira en principe fin février-début mars. Ce sera l’occasion pour ce gouvernement d’une offensive idéologique et de la présentation d’une orientation budgétaire pour les années à venir fondée sur la compression des dépenses, bien sûr pas la police et l’armée, mais sur les services publics : santé, école, communes, SNCF, etc. vont à nouveau en faire les frais.
« Le monde d’après » est en marche, seule pourra l’arrêter une mobilisation résolue autour d’un plan d’action anticapitaliste avec un chapitre sur la dette : annulation de la dette publique (sauf celle détenue par les petits épargnants) et impôt d’urgence sur les revenus du capital et les grandes fortunes.