Après dix-huit mois de récession, le produit intérieur brut de la zone euro a progressé de 0,3 % au 2e trimestre 2013 et celui de la France de 0,5 %. Ces résultats sont un peu meilleurs que prévu. Immédiatement, dirigeants français et européens se sont bruyamment félicités de ce prétendu succès de leur politique...
Jean-Marc Ayrault y a vu ainsi « un facteur de mobilisation et d’optimisme », avant de conclure : « Nous sommes sur la bonne voie et nous devons garder notre cap ». Une fois de plus, les dirigeants peignent en rose la réalité. Ainsi, le journal anglais Financial Times dans son numéro du 15 août, note que la performance de l’ensemble de la zone euro ce deuxième trimestre s’explique largement par des phénomènes « à un seul coup » : par exemple, en Allemagne, la forte reprise de la construction vient après un hiver très rude qui avait interrompu des chantiers. Quant à la progression du PIB français, elle demande aussi à être confirmée : la hausse de la consommation s’explique pour une part par un printemps plus froid que d’habitude, d’où une augmentation des dépenses de chauffage. Certes, les achats d’automobiles ont progressé un peu au deuxième trimestre mais, après être resté stable en juillet, le marché automobile français a replongé dès le mois d’août.
« Décroissance » européenne
Au niveau européen, les résultats sont très disparates mais surtout ce mouvement est loin d’effacer l’impact de la crise. Le PIB par habitant moyen de la zone euro (richesse produite divisée par le nombre d’habitants) reste de près de 4 % en dessous de son niveau de 2007, et seule l’Allemagne (dont la population baisse) dépasse son niveau de 2007. Le recul dépasse 8 % en Espagne et 24 % en Grèce. Dans la zone euro, le capitalisme en crise produit de la décroissance, mais une décroissance anti-sociale et anti-écologique !
En juillet, le taux de chômage est resté à son niveau record de 12,1 % pour la zone euro. C’est toujours en Grèce et en Espagne que la situation est la plus critique. En Grèce, il atteint 27,6 %, et en Espagne, il s’établit à 26,3 %. Plus d’un actif de moins de 25 ans sur deux est au chômage en Espagne, et près de deux sur trois en Grèce.
Certes, les informations disponibles semblent montrer que la récession touche à sa fin en Europe et en France. Mais de là à ce que l’on puisse sérieusement parler de reprise… On peut s’attendre à des chiffres positifs pour la croissance des trimestres à venir mais, en fait, l’Europe est en train de passer de la récession à la stagnation. Et l’emploi n’est pas prêt de décoller.
Rien n'est réglé
Aucune des causes profondes de la crise économique n’est résolue. D’un point de vue capitaliste, les conditions d’une reprise durable de l’accumulation ne sont pas réunies. Les capacités de production des entreprises demeurent sous-utilisées. Les conditions de crédit sont toujours défavorables : malgré les liquidités déversées par la Banque centrale européenne, les banques continuent de resserrer les crédits. Le taux de marge des entreprises européennes reste inférieur à son niveau de 2007.
Tout cela ne plaide pas en faveur d’un rebond sensible de l’investissement productif, bien au contraire. D’ailleurs, un mieux en terme de croissance ne signifierait pas la fin de la crise. Après la récession de 2009, il y a eu un redémarrage limité en 2010-2011, puis cela a replongé. De nouveaux soubresauts des économies européennes pourraient résulter soit de la défaillance d’une banque, soit de la chute d’un gouvernement confronté au mécontentement populaire.
L’Union européenne est de plus en plus impopulaire. En l’absence d’alternative radicale, sociale et politique, crédible, l’extrême droite en profite. Mais les responsables européens ne doutent pas : le commissaire européen en charge des Affaires économiques Olli Rehn a affirmé en août qu’ « une reprise durable est maintenant à portée de main, mais seulement si nous persévérons sur tous les fronts de notre réponse à la crise ». Le 29 août, il s’est même fait plus précis à l’égard de la France : « La France a pris des mesures pour réduire le coût du travail ; cela va dans la bonne direction, mais à l'évidence, elle doit faire davantage ». Donc, semblant de croissance ou pas, nous sommes prévenus de ce qui nous attend !
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