Lundi 24 et mardi 25 août, la bourse de Shanghai a plongé de 16 %, entraînant l’ensemble des places financières dans la tourmente. La chute a ensuite été contenue en fin de semaine, mais les épisodes de crise se font de plus en plus rapprochés (Shanghai s’était déjà effondrée de 8 % le 27 juillet) et brutaux. Ils sont annonciateurs d’une crise financière de grande ampleur, cela alors que l’économie mondiale chancelle et que les liquidités abondent comme jamais.
Les spéculateurs prennent conscience de la dégradation de la situation économique, en particulier dans les pays « émergents ». Selon l’économiste Patrick Artus, la vraie croissance chinoise (estimée à partir de la consommation d’électricité et des importations) est aujourd’hui à 3 % (et non à 7 %). Les fortes hausses de salaires ont fortement dégradé la rentabilité du capital. Le taux de vacance dans l’immobilier est autour de 20 %. De très mauvais chiffres de l’activité manufacturière et la dévaluation du yuan ont paniqué les boursicoteurs.
Mais au-delà de la Chine, c’est l’ensemble des « émergents » qui sont en difficulté, notamment les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). La chute du prix des matières premières (– 40 % depuis 2011) les touche durement. Les profits chutent, le chômage augmente, les capitaux s’en vont, les réserves de change fondent. Et les monnaies se déprécient, augmentant le coût des remboursements des emprunts en dollars. Les pays qui ont d’importants déficits commerciaux (Brésil, Indonésie, Afrique du Sud) sont particulièrement exposés.
Les conditions d’une véritable reprise ne sont toujours pas réunies dans les vieux pays impérialistes. Les économies européennes ne se sont pas désendettées, condition sine qua non d’une reprise de l’investissement. Les profits aux États-Unis stagnent et le secteur pétrolier est en crise. Le Japon a replongé en récession au second trimestre.
Socialisation et contrôle
Les bourgeoisies sont désemparées. Elles n’ont pas de solution pour faire repartir l’accumulation du capital. L’augmentation du taux d’exploitation ne suffit pas. Il faudrait une purge du capital réel et fictif pour faire repartir les économies. Mais les bourgeoisies continuent à mener une politique monétaire ultra-expansionniste qui fait exploser la liquidité mondiale et alimente les bulles financières. Des sommes de plus en plus considérables peuvent ainsi basculer très rapidement des actifs risqués vers des actifs non risqués (obligations publiques les plus sures, cash) déclenchant une très grave crise financière et économique. Pourtant, les bourgeoisies sont tentées de poursuivre la fuite en avant. La Réserve fédérale US diffère sans cesse la hausse des taux qui n’ont pas augmenté depuis 2006.
En mars 2015, un rapport islandais a proposé une réforme radicale, dans le cadre du capitalisme, du système monétaire : enlever aux banques commerciales le pouvoir de création monétaire et attribuer ce pouvoir à la seule banque centrale. L’objectif est d’exercer un contrôle public sur la monnaie et d’éviter que celle-ci alimente la spéculation financière. Cela ne mettrait pas fin aux crises mais en limiterait l’ampleur. Mais les capitalistes ne veulent surtout pas qu’on limite leur pouvoir et qu’on introduise une logique de contrôle et de socialisation.
Nous voulons pousser cette logique jusqu’au bout : une sortie de crise par le haut exige d’une part la socialisation du secteur bancaire et le contrôle des travailleurs sur la monnaie, d’autre part la socialisation des secteurs clé de l’économie et de l’investissement.
Gaston Lefranc