La question de la dette est au cœur de la campagne électorale. Comment est-elle analysée et développée par les différents candidats ? Le développement de la crise de la dette publique place les gouvernements au cœur de la tourmente. Censés défendre l’intérêt général, « protéger » (selon l’expression de Sarkozy) les populations, les États apparaissent de plus en plus clairement engagés du côté des banques, des spéculateurs, soumis aux décisions de leurs porte-parole, les agences de notation. Cette dépendance est telle, à l’échelle nationale, européenne ou internationale, que, quels que soient leurs discours, tous les partis institutionnels n’ont d’autre choix, une fois au pouvoir, que de se plier aux exigences de leurs commanditaires. Ce fut d’ailleurs le seul argument de Sarkozy lors de la première émission télé de sa campagne, jeudi dernier, ironisant sur le PS qui accepte la règle d’or par-delà les Pyrénées pour la refuser ici.
Confrontés au mécontentement croissant de l’immense majorité de la population, les partis ont bien du mal à formuler des réponses crédibles après avoir déballé le baratin creux pour dénoncer les excès des marchés. En bon démagogues, incapables de répondre aux inquiétudes, ils flattent, d’une façon ou d’une autre, les préjugés nationalistes.
Marine Le Pen qui s’oppose démagogiquement au « sauvetage des États défaillants » prône un « retour aux monnaies nationales ». Une telle politique, loin de protéger le monde du travail, l’enfermerait dans la prison des frontières à la merci du patronat, aggravant le recul économique et social. La droite souverainiste, gaulliste, emboîte le pas au FN.
Jean-Pierre Chevènement, lui, n’a pas choisi entre « le changement des règles du jeu de l’euro », et « une sortie harmonisée le jour où l’euro ne résisterait pas au défaut de la Grèce, de l’Irlande, de l’Espagne, etc. ». Bayrou égrène ses généralités creuses, « la zone euro est un ensemble qui doit être celui de la solidarité »... Et François Hollande fait des reproches à Sarkozy : « Pourquoi avoir attendu si longtemps pour prendre enfin des mesures à la hauteur de l’enjeu ? Si ce n’est pour protéger un secteur bancaire qui aurait dû être appelé au sacrifice bien plus tôt ». L’hypocrite fait semblant de ne pas comprendre que le dernier sommet de Bruxelles n’a annulé une partie de la dette grecque que pour mieux aider les banques à ramasser leur mise. Sur le fond, il se rallie à la politique de Sarkozy : « L’Europe doit pouvoir disposer d’un fonds de stabilisation profond et puissant, simple et rapide dans son utilisation. C’est le seul moyen de décourager la spéculation et de redonner de la stabilité aux États, au système bancaire et aux entreprises. » Il ne voit pas d’autre moyen de décourager les spéculateurs que... de leur céder. Sans avoir oublié de brandir le danger chinois devant lequel Sarkozy aurait capitulé !
Quant à Jean-Luc Mélenchon, il n’entend pas céder aux « conservateurs allemands ». « Pas de complexe : nous sommes la deuxième économie du continent et nous serons bientôt la première population. L’euro est notre monnaie et on ne peut rien sans nous. Je trouverai une majorité d’États pour imposer à la Banque centrale européenne de prêter directement aux États à taux réduit. […] Après quoi, il est temps d’exiger la relance de l’activité. » Comme s’il suffisait de le dire...
Prisonnières des institutions en place, ni la gauche libérale ni celle qui se voudrait antilibérale n’ose remettre en cause la légitimité de la dette pour s’opposer à la démagogie du pouvoir et de l’extrême droite. Mettre en œuvre les mesures radicales pour sortir de la crise, la garantie des droits des travailleurs, l’arrêt immédiat du paiement de la dette, son annulation, la création d’un service public bancaire exigent l’intervention puis le contrôle de la population. Une rupture avec l’ordre institutionnel.
Yvan Lemaitre