Entretien. Alors que la loi ORE est en train de faire ses victimes et brise les rêves de milliers de lycéenEs au sujet de leur avenir, beaucoup ne restent pas l’arme au pied face à la réforme. C’est le cas de Petra, lycéenne à Bordeaux, à l’initiative d’une coordination lycéenne nationale, que nous avons pu interviewer.
Comment s’est mise en place cette coordination, avec quels objectifs ?
La coordination lycéenne nationale s’est mise en place au début du mois d’avril, imposée par la nécessité de coordonner les noyaux actifs lycéens dans plusieurs villes mais qui n’étaient pas encore liés. L’objectif étant de construire la mobilisation et de créer un mouvement de grande ampleur avec des perspectives et des mots d’ordre clairs. La première a eu lieu le week-end des 5 et 6 mai à Bordeaux, avec une dizaine de villes représentées (Nantes, Nîmes, Montreuil, Grenoble, Metz, Périgueux, Auch, Toulouse, Montpellier…), qui a permis de faire un état des lieux des forces et des noyaux durs militants dans chaque ville. Le premier pas était d’organiser ensemble la semaine du 22 mai, journée de grève de la fonction publique, avec la charnière des deux jours de grève cheminote, les 23 et 24 mai. Nous avons posé une nouvelle coordination nationale le week-end suivant du 26 et 27 mai à Ivry-sur-Seine.
Quelles ont été les réactions après la publication des résultats de Parcoursup ?
La semaine du 22, avec les résultats de Parcoursup, a été différente partout, à plusieurs niveaux. À Toulouse, on a bloqué en reconductible et organisé des assemblées générales à 300 lycéenEs. À Paris, après quelques tentatives d’occupations, c’est le lycée Arago qui a été occupé mais la répression a été intense, 101 interpelléEs dont un nombre élevé de mineurEs partis en garde à vue. Ou encore à Bordeaux, où la mobilisation lycéenne avec les cheminotEs se construit peu à peu. La nouvelle coordination a permis de faire un récapitulatif de la semaine et de nouvelles dates posées avec des objectifs à atteindre.
Comment s’organise la convergence entre les lycéenEs et les cheminotEs ?
Tout d’abord, il faut dire que si nous sommes solidaires des cheminotEs, c’est avant tout parce que nous sommes conscientEs que si les cheminotEs perdent sur la réforme du rail, c’est tout le salariat qui tombera après lui avec les retraites et la sécu. Se battre contre la sélection à l’université, c’est surtout se battre pour que des enfants de cheminotEs et d’ouvrierEs puissent entrer dans l’enseignement supérieur.
C’est pourquoi nous avons fait venir un cheminot de Paris-Nord afin de faire un réel lien entre nos deux luttes, qui s’opposent à une même politique qui veut privatiser le service public. Nous avons appelé à la date du 29, du 31 mai ainsi que du 7 juin, pour s’agréger aux dates de grèves des cheminotEs : face à un même ennemi, il faut que nous luttions ensemble.
Au-delà du retrait de la loi ORE, quelles sont les revendications de la CNL ?
Nos mots d’ordre sont anticapitalistes avant tout, puisque nous défendons l’université et l’éducation ouvertes à touTEs mais fermées aux intérêts privés. Nous avons l’objectif, les prochaines semaines, d’organiser notre mobilisation, en prenant en compte les résultats Parcoursup qui arrivent comme une pluie acide. De toute cette désillusion nous devons faire une colère contre la politique d’austérité du gouvernement, et proposer un autre projet de société. L’université ne doit pas seulement être une fabrique à diplômes, mais aussi un lieu d’émancipation et de savoir. Aujourd’hui, la loi ORE avance encore plus dans l’autonomie des universités et cela va créer des facs où les diplômes n’auront pour but que de fournir des salariéEs à une branche spécifique de l’économie. Si nous voulons apprendre, ce n’est pas dans le but d’être de la chair à patrons.
Propos recueillis par Georges Waters