On aura rarement autant menti aux étudiantEs et lycéenEs pour faire passer une réforme que les gouvernements successifs n’avaient cessé de repousser. La sélection à l’université était déjà dans les cartons de Peyrefitte en avril 1968, avant que le mouvement étudiant ne l’oblige à la remettre au placard. En 1986, le mouvement contre Devaquet refusait une nouvelle fois la sélection à l’université.
Pour le gouvernement Macron-Philippe, un enjeu essentiel : faire passer la réforme coûte que coûte, quitte à mentir sur toute la ligne. À ce titre, l’annonce, le 22 mai, des 400 000 refuséEs ou en attente sur Parcoursup a ruiné la communication de la ministre Frédérique Vidal.
« Les étudiants auront forcément une formation »
Voilà la promesse de la ministre, qui avait affirmé qu’aucunE lycéenE ne se retrouverait sans orientation à l’issue de Parcoursup, pour contrer l’idée d’une sélection à l’entrée de l’université. Sauf que voilà, outre les « en attente » de centaines de milliers de lycéenEs qui attendent chaque jour qu’une place se libère, de nombreux ont essuyé uniquement des refus, des « non », qui les mettent pour l’instant en dehors de l’enseignement supérieur. Évidemment, c’est tout sauf une « erreur de parcours », car la loi avait prévu ces cas-là, en instaurant un système où les recteurs proposent eux-mêmes aux recaléEs l’orientation qui leur semble la plus « juste ». In fine, les lycéenEs n’ont plus voix au chapitre et c’est donc l’éducation nationale qui leur dit tout simplement quelle formation ils doivent faire. Orientation choisie ou orientation forcée ? Voilà finalement le premier bilan de Parcoursup.
« Parcoursup fonctionnera mieux que APB »
Face aux angoisses liées au manque de clarté de l’ancien algorithme, le ministère avait voulu faire de Parcoursup un modèle de « transparence » et d’efficacité. Sauf qu’alors que l’an dernier, 150 000 lycéenEs n’avaient eu aucune réponse à la première phase, ce qui était déjà énorme, aujourd’hui 400 000 lycéenEs n’ont que des réponses « en attente » ou « non ». 400 000 lycéenEs qui sont censés préparer le bac sans savoir si celui-ci va leur permettre d’accéder à l’enseignement supérieur, et pour qui Parcoursup est synonyme de stress quotidien. D’autant que l’algorithme ne semble pas plus efficace. En témoigne ces lycéenEs qui sont 5 000e sur une liste d’attente de 3 000 personnes, ou encore des lycéenEs recalés en lettres modernes alors qu’ils ont eu 18 au bac de français. Même dans la sélection, c’est souvent l’arbitraire des décisions qui revient sur le devant de la scène, davantage qu’une logique informatique.
« Le processus sera transparent »
Au-delà des énormités produites par Parcoursup, il faut dire que le système n’est pas plus compréhensible que l’ancien. Alors oui, l’algorithme de l’ultime étape du tri des candidatures a été rendu public. Sauf qu’il ne s’agit que d’une partie infime du processus : comment sont classés les lycéenEs par les universités ? Quels sont les critères de classement des lycées ? Comment sont faites les « fiches avenir » ? Autant de questions laissées sans réponses à l’heure actuelle, ce qui rend la nouvelle procédure encore plus bureaucratique que la précédente.
« Parcoursup vise à mieux orienter, non pas à sélectionner »
Tel devait être le maître-mot de cette loi ORE, qui insistait énormément sur l’orientation des lycéenEs. Sauf que les procédures d’orientation, censées être gérées par les professeurEs principaux, ont été plus que minimales, au point où ce sont des spécialistes de l’orientation, payés parfois 800 euros par des familles angoissées, qui ont vu un nouveau marché s’ouvrir : celui de l’orientation. D’autant plus que la sélection, qui officiellement se faisait sur les lettres de motivation et les notes de contrôle continu, semble s’être finalement faite sur le critère le plus important au regard des universités : le lycée d’origine. Quelle « égalité des chances » le gouvernement compte-t-il encore avancer pour justifier que les lycées des départements les moins favorisés, comme la Seine-Saint-Denis ou les Hauts-de-Seine, aient parfois des taux de lycéenEs n’ayant aucune réponse favorable dépassant les 90 % ?
Autant de mensonges qui sont aujourd’hui démasqués par la réalité d’une réforme que 61 % des 18-25 ans refusent selon un sondage, qui montre encore une fois que les lycéenEs ne sont pas dupes face aux mensonges du gouvernement. Le 22 mai, ce sont des milliers de lycéenEs qui ont manifesté, se joignant à l’appel de la fonction publique, pour refuser cette loi inique, tandis que les blocages de lycées continuent à montrer la détermination d’une avant-garde lycéenne qui ne veut rien lâcher quand à ses droits.
Georges Waters