Publié le Vendredi 31 mai 2013 à 11h20.

Rapport de la Cour des comptes : ronger l’éducation jusqu’à l’os

La Cour des comptes a publié, le 22 mai dernier, un rapport sur l’éducation. Le titre est clair : « gérer les enseignants autrement. » Rien de moins. Le problème est simple : alors que 70 000 postes d’enseignants ont été supprimés ces dernières années, l’éducation « coûte » encore à l’État 49,5 milliards d’euros, premier poste de dépense de l’État. La Cour des comptes a donc fait l’inventaire de toutes les dépenses que représente la transmission de savoirs et de savoir-faire. L’avantage de ce long rapport est qu’il donne une explication économiste de toutes les réformes de ces cinq dernières années.

Casse du statut de fonctionnairePour la Cour des comptes, le problème central n’est pas un manque d’enseignantEs (que ce soit les enseignantEs remplaçantEs, les réseaux d’aide ou le manque de candidat aux concours), mais une trop grande rigidité des horaires. Les enseignantEs n’ont pas l’obligation de faire 35 heures par semaine, ils sont uniquement tenus d’enseigner 18 heures par semaine dans les collèges et lycées (ou 15 heures pour les agrégéEs) ou 26 heures à l’école. Tous les rapports et sondages de ces dernières années montrent qu’unE enseignantE travaille effectivement 40 voire 42 heures par semaine en moyenne. Mais cela ne doit pas être assez pour la Cour des comptes qui propose d’annualiser le temps de travail des enseignants.Ceci permettrait notamment de ­diminuer les heures supplémentaires, de supprimer un certain nombre de décharges horaires accordées aux profs en première et terminale (les « heures de chaire »). Voilà comment la Cour des compte annonce pouvoir économiser 8 041 équivalents temps plein (ETP)…

Conséquence de « l’école du socle »Pour aller plus loin, le rapport propose que les instits puissent enseigner au collège et réciproquement. À ces niveaux, il s’agit d’enseigner « le socle commun de connaissance », c’est-à-dire un minimum pour tous. Donc peu importe la formation des enseignants ou ses spécificités… Dans cet élan, la Cour des comptes propose que les remplacements soient effectués au sein d’un établissement et que touTEs les enseignantEs soient au maximum de service, indépendamment de la matière enseignée. Enfin, les directeurs d’école, les proviseurs ou les recteurs d’académie doivent pouvoir recruter des enseignantEs. En clair, un prof de français pourra se retrouver à enseigner les maths ou les SVT, sur plusieurs collèges ou dans l’école d’à côté, pourvu qu’il soit à temps plein. Peu importe, tant que l’État fait des économies !Au-delà, si toutes ces recommandations sont appliquées, ça en est fini du service public national d’éducation, du statut d’enseignant-fonctionnaire, qui est déjà fortement attaqué. Voilà comment la Cour des comptes propose d’économiser 2 527 ETP…

Diminuer la masse salarialePour faire passer cette pilule, la Cour des comptes propose de travailler sur les salaires. Par rapport aux enseignantEs d’Europe, unE enseignantE est payéE 15 % à 20 % de moins en France. La Cour des comptes a une solution pour augmenter les salaires : réduire les enseignements et les filières, ce qui aura comme conséquence de diminuer le nombre d’enseignantEs, et on pourra ainsi payer plus ceux et celles qui restent, tout en diminuant le volume global.Tout ceci a comme un goût de déjà vu, et la Cour des comptes n’invente rien. Les réformes qu’elle propose ont déjà vu le jour sous la droite, avec les réformes Fillon, de Robien, Ferry, Darcos… Ce qui est nouveau, c’est que cette fois, c'est le PS qui est au pouvoir. Et Peillon trouve que le rapport de la Cour des comptes comporte « beaucoup de bonnes choses ». Il a d’ailleurs décidé d’ouvrir en septembre 2013 des négociations sur les salaires. Voilà où les principaux syndicats vont s’engouffrer. Mais sans rapport de forces, sans manifestations et grèves massives des enseignants, il y a  fort à parier que l’on subisse la même défaite que sur la loi de refondation de l’école cette année.C’est pourquoi, nous devons dès maintenant informer largement de ce que trame le gouvernement, sous couvert d’un rapport « objectif » de la Cour des comptes. Et construire une opposition la plus large possible à cette politique d’austérité. 

Raphaël GregganRapport : www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Gerer-les-enseignants-autrement