Publié le Samedi 6 mars 2010 à 12h25.

Belgique : Carrefour liquide emplois et salaires !

Après l’annonce d’au moins 1672 licenciements, les salariés de Carrefour Belgique se sont mis en grève. Tous les magasins du groupe étaient fermés en Belgique samedi 27 février. Carrefour Belgique a annoncé le licenciement de 1 672 employés (11 % des effectifs), la fermeture de 21 surfaces de vente, la diminution drastique des salaires par transfert des employés dans des commissions paritaires1 moins avantageuses, la suppression de congés et des pauses payées. Le patron de l’enseigne, Lars Olofsson, a déclaré :« Le temps de l’action est venu ». Il a été entendu et un grand nombre de magasins ont immédiatement baissé leurs volets et se sont mis en grève, le mouvement s’étend et se durcit. Samedi 27 février, aucun des 56 hypermarchés et 61 supermarchés de Carrefour en Belgique n’a pu ouvrir ses portes, et certains magasins étaient toujours en grève lundi 1er mars. Le patron de Carrefour Belgique « accepte cette grève » mais trouve qu’elle lui coûte cher. Si le « plan de sauvetage » ne réussit pas, il menace ses employés de quitter la Belgique. Le chantage à l’emploi ne date pas d’hier. Au nom du maintien des activités, plus de 2 700 emplois ont déjà été supprimés entre 2004 et 2009, les contrats à durée déterminée se sont multipliés et les nouveaux embauchés ont des salaires au rabais. Carrefour emploie en Belgique 15 698 travailleurs dont 10 900 à temps partiel. Ces derniers sont surtout occupés par des femmes qui feront les frais des restructurations avec des allocations de chômage ridiculement basses car calculées sur la base du salaire perçu. En prétendant que les coûts salariaux justifient son plan de restructuration, Carrefour est en train de créer un nouveau mythe. Après le plombier polonais, voici donc désignée la coupable idéale : la caissière belge qui gagnerait 29 % de plus que sa collègue de la concurrence. Bien sûr, ces chiffres sont faux, mais cela permet de justifier des licenciements devant l’opinion publique. Les syndicats ont mis en évidence les manipulations douteuses observées dans les comptes de Carrefour ces derniers mois. Le groupe dispose en Belgique d’un centre de coordination de toutes ses activités mondiales qui bénéficie d’avantages fiscaux considérables prévus par la loi belge. Le centre de coordination avait une dette de 1 milliard envers Carrefour Belgique qui l’a cédée à Eastshore Finance, une société créée par le groupe lui-même en 2009. Le groupe a donc artificiellement appauvri Carrefour Belgique d’un milliard d’euros. Bien entendu, le groupe mondial Carrefour a bénéficié d’aides publiques des différentes autorités gouvernementales belges. Il devrait d’ailleurs rembourser 86 millions d’euros de subventions déclarées illégales par la Commission européenne. Selon la FGTB, premier syndicat belge, le groupe mondial a bénéficié de 129 millions d’euros d’avantages octroyés par les pouvoirs publics en raison de la concentration de ses activités financières en Belgique. En 2008, Carrefour Belgique a réalisé un bénéfice de 66 millions, mais comme elle a cumulé 458 millions de pertes les années précédentes, elle n’a pas payé d’impôts.En revanche, le centre de coordination Carrefour se porte bien. En 2008, il a réalisé un bénéfice de 381 millions, sur lequel il a payé un impôt de 33 225 euros, soit un taux de 0,008 %... Les dirigeants du groupe Carrefour, numéro deux mondial de la distribution, ont depuis longtemps compris toutes les facilités offertes par la Belgique, terre d’asile des exilés fiscaux voulant échapper à l’impôt sur la fortune. Les empereurs de la grande distribution semblent s’être donné le mot puisqu’on retrouve aussi en Belgique la famille Mulliez, propriétaire d’Auchan, Décathlon, Mondial Moquette, Feu vert, Kiabi, etc. Voilà de bons exemples de « mobilité professionnelle » dont devraient s’inspirer la caissière belge ! Pourquoi pas, retrouver un boulot dans les Balkans où Carrefour va créer de nouveaux postes ?Freddy Mathieu 1. En Belgique, les commissions paritaires (CP), instituées par branche d’activité, réunissent des représentants des organisations représentatives des employeurs et des travailleurs du secteur et interviennent en particulier dans les négociations salariales.