Premières réflexions sur la victoire des Écureuils d’Île-de-France, après un mois de grève.Les salarié-e-s grévistes de la Caisse d’épargne d’Île-de-France (CEIDF) viennent de remporter une victoire sans précédent au terme de quatre semaines d’un conflit étonnant, exemplaire et surtout riche d’enseignements et d’espoirs pour l’ensemble du monde du travail. Le directoire de la CEIDF, qui avait misé sur le pourrissement, a dû reculer et satisfaire l’essentiel des revendications : aucun licenciement contraint dans le cadre du Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), 10 millions d’euros d’intéressement supplémentaires et le paiement de cinq journées de grève proratisées. Le conflit a pour toile de fond un ras-le-bol qui puise sa source dans une intensification du travail liée à des objectifs commerciaux démesurés, sans oublier l’annonce début 2010 d’un PSE prévoyant plus de 500 suppressions d’emplois (soit 10 % de l’effectif de l’entreprise). Mais la raison essentielle réside dans la baisse considérable des éléments de rémunération aléatoires des salariés au titre de 2009 : -90 % sur l’intéressement et -50 % sur la part variable, conséquence des pertes énormes de Natixis. Dès le 13 avril, à l’appel de Sud (premier syndicat de l’entreprise) et de la CGT, rejoints ensuite par le syndicat unifié, le personnel de la Caisse d’épargne d’Île-de-France s’est mis en grève. D’emblée, le mouvement a surpris par sa détermination, son inventivité et son dynamisme. Des assemblées générales ont réuni quotidiennement près de 300 grévistes. Deux jeudis noirs ont littéralement paralysé l’entreprise les 29 avril et 6 mai en rassemblant à chaque fois près de 1 000 manifestants devant le siège de l’entreprise. Sans oublier des actions originales comme placarder à proximité de la résidence du président du directoire des affiches avec sa photo et le montant de sa rémunération fixe (400 000 euros !) et variable (76 000 euros !). Les manifestants ont arboré les slogans « Clients salariés on est tous arnaqués » ou « Écureuils en colère » sur leurs tee-shirts et brandi des affiches humoristiques mettant en scène le président et son directeur des ressources humaines, assurant ainsi une communication efficace. Cette grève est porteuse d’enseignements. Tout d’abord, il n’est pas indispensable de réunir toutes les organisations syndicales d’une entreprise pour gagner. À la CEIDF, le mouvement a été animé par Sud, la CGT et le SU dont l’unité sans faille a été saluée par tout le personnel. Ensuite, les jeunes, notamment les femmes, ont été particulièrement présent-e-s dans l’action, faisant circuler l’information en temps réel par le biais d’Internet. La détermination des grévistes et l’unité des trois syndicats ont fait de ce conflit une grève gagnante. Une chose retient l’attention de celles et ceux qui ont vécu ces moments : cette grève, avant même d’être payante, donnait envie1. Enfin, cette victoire a permis à de nombreux jeunes qui participaient à leur premier mouvement de vérifier l’utilité du syndicalisme et surtout de prendre goût à l’action solidaire. Patrick Saurin (membre de l’exécutif national de Sud Caisse d’épargne, représentant des salariés au Conseil d’orientation et de surveillance de la Caisse d’épargne Île-de-France).1. Voir les vidéos sur le site www.sudce.com pour constater l’enthousiasme des salariés.