Fin avril, la majorité du Comité d’entreprise (CGT-CFTC) a décidé d’attaquer Ford en justice : la multinationale s’était engagée à maintenir 1 000 emplois au minimum, promesse non respectée dans un contexte de danger permanent sur l’avenir de l’usine.
C’est la mobilisation des salariés qui avait poussé la multinationale à signer un accord en mai 2013 avec les pouvoirs publics (préfet, région, sous le contrôle du gouvernement) pour garantir notamment le maintien de 1 000 emplois... en échange de quelques millions d’euros d’argent public.Le fait est que 46 millions sont bien arrivés dans les poches de Ford (aides diverses). Par contre, l’effectif est aujourd’hui à 980 salariéEs et descend inexorablement (essentiellement par des départs en retraite). Ford avait officiellement abandonné les 1 000 emplois en juillet 2014 sans que les pouvoirs publics réagissent : une nouvelle fois, l’argent est distribué au patronat sans contrôle et sans contrainte.
Mettre Ford au tribunalDans un contexte de résignation des salariéEs, il s’agit de trouver les moyens pour contraindre Ford à respecter son engagement largement médiatisé durant ces trois dernières années. Pour nous, le tribunal est un outil pour dénoncer et mettre la pression sur Ford, mais aussi sur les pouvoirs publics.Nous dénonçons aussi le chantage patronal qui demande aux salariéEs de se serrer la ceinture parce que les temps sont durs. C’est faux. Il n’y a pas de crise pour Ford : plus de 40 milliards de dollars de bénéfices ces 5 dernières années, les dividendes des actionnaires sont en augmentation de 20 % en 2014, les revenus des dirigeants sont énormes... Et malgré ce qu’on nous raconte, le marché automobile mondial est stable.Ford profite d’une situation sociale très dure pour imposer chantage à l’emploi et dégradation des conditions de travail. Les coûts sont réduits au maximum, ce qui se traduit par une chasse au prétendu sureffectif. Tout est calculé au rabais (formations, amélioration des postes de travail…) et la pénibilité augmente.
La désorganisation patronale...La direction a même réussi à désorganiser le travail, n’arrivant pas à démarrer un nouveau produit tant elle a investi au minimum. C’est la panique : une équipe de « champions » internationaux fordiens (Espagne, Belgique, Allemagne, Amérique) est mise en place pour se sortir du pétrin. Des dirigeants de Ford Europe viennent même au chevet du secteur malade. Spectaculaire. Et aujourd’hui, des intérimaires (une cinquantaine) sont recrutés pour rattraper le retard. Incroyable d’inconséquence et de contradiction !Discréditée et déstabilisée, la direction donne même raison à la CGT qui critique sa logique de rentabilité. Elle sent bien que sa marge de manœuvre est réduite car le mécontentement des collègues est bien là : contre les heures supplémentaires et les jours fériés travaillés, contre la flexibilité, les conditions de travail dégradées, les pressions diverses…Mais il manque sans doute la goutte de trop pour que ça déborde et bascule vers une nouvelle période de mobilisation. On le sait, pour stopper la politique catastrophique de Ford, il faut changer le rapport de forces. En attendant, avec l’attaque en justice de Ford comme avec l’ensemble du travail fait par l’équipe militante CGT, on espère y contribuer.
Philippe Poutou