Le samedi 2 décembre, sur l’ensemble du territoire, a eu lieu une grève des livreurs à vélo, plus précisément des livreurs de repas. Cela fait quelques années déjà que les livreurs, en très grande précarité tentent de s’organiser collectivement pour résister à la surexploitation des plateformes Deliveroo et UberEats, qui sont les deux principales parmi d’autres.
Des collectifs ou des syndicats spécifiques se construisent. En effet, les livreurs ne sont pas salariés mais des « auto-entrepreneurs » ou autrement dit des salariés « indépendants ». En clair, c’est le royaume de l’exploitation : quasiment aucun droit, le code du travail est ainsi tranquillement contourné. Pas de protection sociale, pas de congés payés, pas de revenu à l’heure mais à la pièce… Les travailleurs concernés sont des jeunes hommes pour la quasi-totalité, et pour beaucoup des jeunes réfugiés sans-papiers, qui cherchent un revenu, même dérisoire, pour vivre ou survivre dans une société qui leur refuse même le droit de travailler légalement.
Des courses très faiblement payées
La rapacité et le cynisme des plateformes de livraison n’ont pas de limite. Elles viennent de revoir à la baisse la tarification des courses déjà très faible, elles sont autour de 2, 4 ou 9 euros selon la distance à parcourir. C’est évidemment incroyablement sous-payé. Les livreurs sont relativement nombreux à se présenter tous les jours, les soirées notamment pour attraper quelques courses. À Bordeaux par exemple, ils seraient environ 2000, et encore, vu le nombre de plateformes, vu l’impossibilité de se recenser précisément, c’est peut-être plus. Les jeunes s’enregistrent sur les plateformes, par des applications sur téléphone, ils se rendent disponibles et attendent la course. Les journées commencent sans avoir aucune garantie d’avoir du boulot, d’avoir surtout au bout un revenu qui sauve la journée.
C’est donc une mise en concurrence entre les livreurs, favorisant le chacun pour soi et les prises de risque sur la route car plus on va vite, plus on peut faire de courses.
Résister à la brutalité du système
Quel que soit le secteur aujourd’hui, il est difficile de résister aux reculs sociaux, aux attaques des patrons contre nos droits de travailleurEs, compliqué de défendre nos vies et nos conditions de travail. Notre camp social est sans cesse fragilisé par la brutalité du système mais aussi par l’affaiblissement des organisations syndicales. Chez les livreurs, on imagine bien l’extrême difficulté qu’il y a à trouver les moyens de résister. C’est d’ailleurs cela qui donne aux plateformes une marge de manœuvre énorme pour surexploiter sans limite.
Sauf que les livreurs ne se laissent pas faire. Ils se coordonnent, ils utilisent les applications pour s’organiser, ils sollicitent les syndicats, les collectivités territoriales, les commerçants, la population qui utilise leur service. Ils élaborent des revendications : refus de la nouvelle tarification bien sûr mais surtout une rémunération à l’heure, une protection sociale, réfléchissant à l’élaboration de plateformes de livraison sous forme de coopératives respectant les droits sociaux. Ainsi des contacts se nouent, des solidarités se créent.
Cette journée de grève fait partie des étapes de construction de la résistance. Elle a permis de faire parler d’eux, de leurs terribles conditions de travail. Elle rappelle aussi l’importance de notre solidarité, de voir comment les organisations du mouvement social pourraient leur venir en aide pour renforcer leur auto-organisation et finir par changer le rapport de force.