Dans le passé, le patronat évitait souvent les annonces de suppressions d’emplois et de fermetures de sites en période électorale. En 2017, présidentielle et législatives ou pas, les licenciements battent leur plein...
Plusieurs secteurs font l’objet de restructurations majeures. Pour en apprécier l’ampleur, il ne suffit pas de prendre en compte les seuls plans sociaux (plans de sauvegarde de l’emploi, PSE, dans le jargon officiel...). Les entreprises jouent sur une palette d’instruments pour supprimer des emplois.
… Mais tous étaient frappés
Sur 650 000 licenciements par an, 190 000 sont juridiquement reconnus comme économiques, 460 000 sont pour « motifs personnels » ( disciplinaires, « faute », inaptitude professionnelle, refus d’une modification substantielle du contrat de travail). À cela, il faut y ajouter 360 000 ruptures conventionnelles. Enfin, il y a chaque année un nombre indéterminé de suppressions d’emplois sous forme de « départs volontaires » (PDV).
Dans l’automobile, la réduction des coûts passe par une pression toujours plus importante sur les sous-traitants. Les GM&S de La Souterraine ne sont pas les seuls visés. Nobel Plastiques a annoncé un PSE pour son usine de Vitry-le-François avec la suppression envisagée d’au moins 120 postes sur 277. À Charleville-Mézières, le fabricant de climatisation pour l’automobile, Hanon Systems a annoncé début mars un PSE concernant 54 salariéEs, passant des 1 300 salariéEs en 2004... à 350 en 2019 !
Mais, bien d’autres secteurs sont touchés aux quatre coins de la France : la Seita à Riom et Fleury-les-Aubrais, CastMetal dans la Loire, Aéropharm à Marseille… Le sort de Whirlpool à Amiens est scellé : le site est définitivement fermé, au détriment des 290 salariéEs et 400 sous-traitants et intérimaires. Airbus, qui se porte pourtant bien, va supprimer plus d’un millier de postes en Europe, dont 640 en France avec la fermeture, mi-2018, du site de Suresnes où environ 310 postes seront supprimés. Nestlé, prévoit une réorganisation de ses activités qui pourrait aboutir à la suppression ou au transfert d’un nombre indéterminé d’emplois. Quelques mois après le déménagement de son siège social en Irlande pour bénéficier d’une fiscalité plus avantageuse, le groupe pharmaceutique Avadel vient d’annoncer la suppression de 47 postes, sur les 101 que compte le site de Vénissieux (2 600 emplois industriels supprimés en trois ans). Alors que la filiale française a vu son chiffre d’affaires doubler en dix ans, Haribo va supprimer d’ici à la fin de 2018 une centaine de postes en France (15 % des effectifs). Et on pourrait allonger la liste…
L’industrie n’est pas la seule affectée. SFR a supprimé de nombreux emplois par des départs plus ou moins « volontaires » tandis qu’Engie (ex-GDF Suez) va supprimer 1 900 postes en France sur un total de 25 000. Moins visibles, les plans sociaux dans le commerce de vêtements et de chaussures aboutissent à une véritable saignée avec, depuis la fin 2015, la destruction d’au moins 3 000 emplois. Vivarte (André, La Halle aux chaussures, Naf Naf…) s’était déjà séparé de 1 300 salariéEs à la fin de 2015, et prépare un nouveau plan concernant environ 600 personnes (voire 900). La déconfiture du groupe Mim met en péril 800 emplois, et c’est maintenant Tati qui est dans la tourmente : le sort de de 1 740 salariéEs est jeu. Quant à la chaîne d’hôtels Accor, des suppressions d’emplois y sont aussi annoncées.
Se lancer, enfin, dans la bataille
Ces cas ne constituent qu’une partie des emplois en péril dans le privé. Il ne faut pas oublier les emplois publics : ainsi, Macron a annoncé la suppression de 120 000 emplois. Dans la santé, les agences régionales de santé font pression pour la réduction des effectifs hospitaliers (comme récemment à la maternité de l’hôpital de Montluçon, où une grève est en cours), tandis que, selon des scénarios du ministère, de 6 % à 11 % des lits d’hôpitaux pourraient être supprimés malgré la croissance de l’activité hospitalière.
Dans son discours d’investiture, Emmanuel Macron a annoncé la couleur : « le travail sera libéré, les entreprises seront soutenues ». Le nouveau gouvernement est en place pour préparer des ordonnances et, plutôt que de mettre en garde les salariéEs, des responsables de FO ou de la CFDT se croient obligés de commenter favorablement le profil et la compétence de la nouvelle ministre de Travail, Muriel Pénicaud...
La mobilisation des salariéEs des entreprises concernées est essentielle, mais les structures syndicales (UL, UD, fédérations, confédérations) doivent populariser ces luttes en mettant notamment l’accent sur l’impact des suppressions directes d’emplois sur les sous-traitants mais aussi sur les ressources des communes, le commerce… Un emploi industriel direct supprimé peut entraîner la perte de 3 ou 4 emplois au total.
Les directions syndicales doivent impulser des rencontres, des initiatives communes, une centralisation de ces luttes, organiser des mobilisations plus larges autour des entreprises menacées (comme cela a été fait à Air France ou à GM&S). Elles devraient, en s’affranchissant pleinement de toute politique de « dialogue social », s’atteler à répondre aux aspirations en construisant une journée interprofessionnelle de grèves et de manifestations qui ne soit pas considérée comme sans lendemain mais comme partie prenante d’une bataille de longue haleine contre les projets de ce gouvernement au service des ploutocrates. L’initiative appelée pour le 19 juin par le Front social pourrait être un relais dans cette direction.
Henri Wilno et Robert Pelletier