La réussite de la grève 13 septembre à la RATP et l’appel à la grève illimitée à partir du 5 décembre ont marqué les esprits dans le milieu cheminot, et redonné confiance.
La confiance retrouvée s’est muée en colère, et la tension à la SNCF ne fait depuis que s’amplifier. D’abord avec le « dépôt de sac » des contrôleurEs du réseau de Paris-Saint-Lazare, le 14 octobre dernier, à la suite d’agressions qui se multiplient faute de personnel. Puis, avec les roulants, conducteurEs et contrôleurEs, partout en France dès le 18 octobre, qui ont débrayé massivement après un accident à un passage à niveau faisant plusieurs blesséEs dont le conducteur. Ensuite, les agentEs de maintenance des ateliers TGV de Châtillon ont « déposé la caisse » séance tenante le 21 octobre et sans préavis, pour s’opposer à la volonté de la direction de supprimer des repos. La rage des agentEs de Châtillon s’est étendue aux autres ateliers de maintenance TGV de la région parisienne, puis à ceux de la région lyonnaise, avec toujours la même indignation face à la dégradation des conditions de travail et aux salaires insuffisants. D’autres débrayages ont ensuite éclaté ici et là. Pas de doute que la situation est explosive.
Vers une grève reconductible ?
Ces mobilisations massives et spontanées ont été accueillies chaleureusement par celles et ceux d’autres secteurs, qui n’y ont pas participé ; de même que la journée des hospitaliers a fait chaud au cœur ; de même aussi que l’immolation d’un étudiant a fait beaucoup discuter. Il est pourtant et paradoxalement difficile de dire à ce jour comment le 5 décembre sera suivi – et poursuivi. Les avancées dans les récentes luttes sectorielles, contre des directions locales, ont semblé davantage à portée de main qu’un recul à imposer au gouvernement et à la direction de la SNCF, face à une attaque globale touchant l’ensemble du monde du travail. Et les cheminotEs, alliés à celles et ceux de la RATP, se demandent quels autres secteurs mobilisés seront avec eux dans la lutte.
Sur le plan syndical, l’unité entre Sud Rail, FO, l’Unsa et la CGT autour d’une grève reconductible à partir du 5 décembre s’est peu à peu construite et, pour certaines directions syndicales, grâce à la pression d’une partie de leur base militante. Une réunion intersyndicale devrait prochainement acter le dépôt d’un préavis reconductible unitaire. Seule la CFDT Cheminots, à l’instar de sa confédération, n’appelle pas à la grève. Mais l’unité syndicale ne fait plus autant recette, les dernières mobilisations sectorielles, expression de la colère à la base, ont éclaté sans rien attendre de palabres entre direction de la SNCF et syndicats.
Tout peut arriver
À Sud Rail comme à la CGT Cheminots, les deux principaux syndicats, les stratégies participent davantage à la confusion qu’à une volonté explicite de préparer la mobilisation à venir. À la CGT, la bataille contre la réforme des retraites est renvoyée à « l’interpro », et ce sont les négociations de branche qui sont mises au premier plan. Une invitation à négocier qui ne devrait pas déplaire au nouveau patron de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, qui, comme le gouvernement, panique quelque peu, a clairement affiché sa volonté de « renouer le dialogue » avec les syndicats.
Mais tout peut arriver d’ici le 5 décembre, tout particulièrement en positif. Dans la région parisienne, des équipes militantes cheminotes et RATP se mettent sur pied pour se coordonner à la base en vue de la grève. La réussite viendra de là, de ce qui est vivant et incontrôlé à la base et se manifeste aujourd’hui dans bien des secteurs. À condition que celles et ceux qui vont se mobiliser se réunissent en assemblées et comités de mobilisation ou de grève pour prendre en main leur mouvement. Et qu’il existe le maximum de coordination entre les secteurs en lutte, car il en va non seulement des retraites mais aussi de l’emploi, des salaires, des conditions de travail et de vie des salariéEs et de leurs enfants.
Stella Monnot