Au premier janvier 2025, les cheminotEs de fret SNCF (le transport de marchandises) basculeront dans deux sociétés de droit privé : 4 500 à Hexafret et 500 à Technis (entretien des locomotives). Le tout sera chapoté par Rail Logistique Europe avec possibilité d’ouverture du capital. Au passage, ce sont 500 emplois qui disparaissent…
C’est la conséquence logique du Pacte ferroviaire de 2018 (Macron) contre lequel les cheminotEs avaient lutté pendant plus de trois mois à l’époque. Ce Pacte ferroviaire étant lui-même la conséquence de la réforme ferroviaire de Hollande en 2014.
Ouverture à la concurrence
L’ouverture à la concurrence du fret commence à être une vielle histoire : elle est effective au début des années 2000. Pour les libéraux, elle devait permettre à de nouvelles entreprises (souvent des filiales d’autres grands groupes ferroviaires européens) de gagner de nouvelles parts de marché et ainsi relancer un transport de marchandises sur rail en déclin. Résultat 20 ans plus tard ? La part du fret ferroviaire n’a cessé de dégringoler passant entre 2000 et 2018 de 16 % à 8 % des marchandises transportées. Pire, une entreprise en pointe dans le secteur comme DB Cargo (de la Deutsche Bahn) vient d’annoncer la suppression de 2 300 postes au 1er janvier 2025, soit 13 % de ses effectifs.
Malgré ce bilan calamiteux, le gouvernement persiste et signe dans la déréglementation avec une nouvelle étape dans la libéralisation du trafic voyageur, notamment régional (TER) à Amiens, Nantes, Nice, Marseille où des cheminotEs seront transféréEs dans des entreprises privées. Le scénario sera identique avec les TGV : dans l’objectif de la rentabilité, la SNCF envisage la suppression de nombreuses dessertes jugées non rentables. En 2018 déjà la SNCF avait estimé que seulement 80 (sur plus de 200) destinations TGV étaient réellement rentables.
Loin de favoriser le développement du chemin de fer, les entreprises concurrentes viendront se positionner sur les segments à forte rentabilité (comme Paris-Lyon) et délaisseront les autres. Et dans la perspective de « rester dans la course », la SNCF continuera de laisser tomber les lignes « non rentables ». Notons par ailleurs que les entreprises privées viendront faire des profits sur des infrastructures financées par de l’argent public.
C’est un signal calamiteux, aussi bien pour les salariéEs du secteur que pour la population en termes d’aménagement du territoire et d’environnement, le train restant un des modes de transport parmi les plus écologiques.
Retour sur la grève du 21 novembre
C’est pour ces raisons que l’intersyndicale avait appelé les cheminots à se mettre en grève le 21 novembre. Mais en dehors de certains services et endroits, cela n’a pas été un raz-de-marée. Pour exemple, au fret même, moins de 17 % des cheminotEs ont répondu à l’appel et à peine 25 %, tous services confondus au niveau national (chiffres de la direction).
Sans doute que dans la tête de nombreux collègues, le fret est déjà une histoire ancienne, un peu comme un combat perdu d’avance sur lequel 20 ans de mobilisations n’ont pas réussi à inverser la tendance. Cependant, la grève a aussi très bien pris dans certains endroits : à la banlieue de Paris gare de Lyon, il y a eu 89 % de grévistes chez les tractionnaires et 75 % chez les contrôleurs, 91 % de grévistes parmi les équipes TER de Nîmes/Alès ou encore 65 % de grévistes chez les conducteurs TER Pays de Loire.
Une riposte à la hauteur encore à construire
Mais ce qui préoccupe pour beaucoup les collègues en ce moment, c’est la question des salaires. Le même jour avait lieu les NAO qui n’ont strictement rien donné (+ 0,5 %).
L’intersyndicale cheminote appelle à une grève, avec reconduction, à partir du 11 décembre au soir. La fonction publique, de son côté, sera en grève le 5 décembre et dans le secteur privé un autre appel contre les licenciements se profile pour le 12 décembre. Gageons que ces mobilisations permettront de prendre confiance pour passer à l’étape supérieure.
Car face aux suppressions d’emplois qui touchent la SNCF et la fonction publique d’un côté et les licenciements dans le privé de l’autre, face aux salaires trop bas pour maintenir la tête hors de l’eau, l’heure n’est pas à l’éparpillement mais à la construction d’une mobilisation d’ensemble.
CorrespondantEs