En Europe aussi les choses bougent, les femmes se mobilisent de manière massive et dans de nombreux pays, contre les violences, mais aussi pour le droit à l’avortement…
L’année dernière, la journée internationale de grève des femmes avait rassemblé, le 8 mars, 5 millions de personnes dans les rues des principales villes de l’État espagnol. Des femmes jeunes, voire très jeunes se mobilisaient, mais aussi très largement les travailleuses, avec mise en place de piquets sur de nombreuses entreprises. Si l’activité syndical était aussi à l’origine de cette mobilisation, les principales centrales syndicales avaient d’abord refusé d’appeler à une grève de 24 h impulsée par la coordination des femmes mise en place à partir de l’auto-organisation du mouvement des femmes, et de secteurs syndicaux dans lesquels les féministes font un travail important.
Des années de (re)construction
Le mouvement dans l’État espagnol n’est pas né le 8 mars dernier. Il est le produit d’un travail de plusieurs années, où les femmes se sont mobilisées massivement : contre la restriction de leur droit à l’avortement d’abord, puis contre les féminicides. La victoire a été de réussir à construire à la base de ces mobilisations un cadre sur la durée, auto-organisé, qui pose la question de la grève du travail productif et reproductif comme outil pour changer les choses.
En Italie, le mouvement féministe est lui aussi très fort, et centré en particulier sur la question des violences. « Non Una di Meno » est, depuis 2016, un mouvement de masse avec des centaines de milliers de personnes dans les rues le 8 mars et les 25 novembre. Ici aussi, il est le fruit de longues années de reconstruction à la base, de cadres auto-organisés qui tentent de se coordonner. Cependant, l’Italie ne ressemble pas à l’État espagnol : le mouvement ouvrier en Italie est bien plus atomisé et tout est à reconstruire. C’est pourquoi il est plus qu’intéressant de voir que le mouvement féministe a non seulement montré qu’il devait dépasser les frontières, mais aussi que la grève était un outil toujours nécessaire pour construire un rapport de forces. Dans certains secteurs du salariat particulièrement féminisés (grande distribution, hôtellerie), le mouvement féministe a construit un travail syndical posant largement la question des conditions de travail des femmes mais aussi des travailleurs, faisant des femmes une nouvelle avant-garde.
Droit à disposer de son corps
La mobilisation européenne ne s’arrête pas là… Puisqu’en Irlande comme en Pologne, les mobilisations des femmes ont permis de gagner des victoires concrètes pour leur droit à disposer de leur corps, par une mobilisation massive. En Suisse, le 21 septembre dernier, ce sont des dizaines de milliers de femmes qui ont manifesté dans les rues, et les féministes préparent une grève pour juin 2019.
La réussite de la mobilisation s’est faite en construisant des assises féministes permettant de rebattre les cartes. Les femmes se sont auto-organisées en prenant leurs affaires en main !
Ainsi, partout en Europe, les femmes se mobilisent, mais la réussite de leur mobilisation s’est produite par la construction dans la durée d’un mouvement féministe avec une volonté de dépasser les divisions existantes, en s’appuyant sur une nouvelle génération, en construisant des cadres auto-organisés qui se coordonnent, en posant la grève comme outil puissant de mobilisation.