Publié le Mardi 26 juin 2012 à 13h02.

Film. Les femmes du bus 678

Plaidoyer pour les femmes égyptiennes victimes de harcèlement et d’agressions sexuelles dans l’impunité la plus totale, c’est un long-métrage de Mohamed Diab s’inspirant de faits réels. Harcèlement sexuel et machisme sont le lot quotidien des femmes en Égypte.

De Paris au Caire, la violence du harcèlement sexuel sévit toujours. Le jour même où en France, Bérénice est déboutée de sa plainte (voir Tout est à nous ! n°153), des manifestantes sont agressées place Tahrir (Liberté). Accompagnées de quelques hommes, elles sont venues dénoncer la recrudescence du harcèlement subi par les femmes qui participent aux manifestations. « Que ta main soit tranchée. Non au harcèlement sexuel » affichent-elles. L’agression sexuelle est violente et malgré la solidarité active de quelques hommes, elles fuient la place, inquiètes de l’escalade de cette violence qui ressemble à un petit frère du viol en temps de guerre. L’usage de l’agression sexuelle fait des manifestations un environnement hostile aux femmes contestataires. Cette pratique initiée par le Parti national démocratique de Moubarak en 2005 semble remise à l’ordre du jour pour intimider les femmes qui manifestent. Aujourd’hui âgée de 80 ans, Nawal El Saadawi*, militante féministe, constate qu’« alors que les femmes sont descendues massivement dans la rue, rien n’a changé depuis la révolution ».

Quoi qu’il en soit les femmes ne veulent plus se laisser faire, ce film réalisé avant la révolution en est un exemple. Tous les procès pour l’interdire comme les menaces de mort reçues par le réalisateur n’ont pas empêché sa rencontre avec les foules et un succès considérable. Un bus, trois femmes, un destin. Fayza, Seba et Nelly sont confrontées à cette violence et à l’incompréhension, voire au rejet de leurs proches. Elles vont chacune adopter une riposte différente au machisme de la société égyptienne. Le personnage de Nelly est inspiré de Noha Rushdi, la première égyptienne à avoir intenté un procès pour harcèlement sexuel en 2008, imposant ainsi l’adoption d’une loi en 2009. Loi qu’une députée du parti des Frères musulmans, récemment élue, propose de supprimer, provoquant la colère des associations féministes. Seba crée un cours d’autodéfense pour femmes tandis que Fayza opte pour un moyen qui va mettre la police à ses trousses…

Mohamed Diab, le metteur en scène, était présent en 2008 au tribunal du Caire, aux côtés de Noha Rushdi. Il est possible de relever quelques maladresses cinématographiques, mais loin de tout manichéisme, sans la moindre complaisance, ouvert à l’espoir, son film est un acte militant en faveur de la dignité des femmes à reconquérir, un manifeste. Le sujet représenté dans toute sa complexité n’ignore pas la gravité de la situation économique du pays. Émouvantes et fortes, les actrices nous invitent à les rejoindre dans ce combat féministe. Et puis, il y a un homme, le commissaire…

Alors, allez au cinéma sans plus attendre, ce film est à l’affiche de si peu de salles !

Karol*http://www.pierrepiccinin.eu/article-egypte---entretien-avec-nawal-al-saadawi-71268206.html

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