La publication du 5e rapport annuel sur l’état des lieux du sexisme en France par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes est accompagné du message suivant : « Le sexisme, on ne sait pas toujours comment ça commence, mais on sait comment ça se termine… ».
Le message est bien tiède vu les conclusions du rapport : non seulement le sexisme ne recule pas mais certaines de ses manifestations les plus violentes s’aggravent.
Des actes sexistes plus graves et en augmentation
Le nombre et la gravité des actes sexistes augmentent dans les espaces public, professionnel, privé, numérique : 14 % des femmes déclarent avoir subi une agression sexuelle ou un viol (22 % de celles de 18 à 24 ans), 22 % ont déjà vécu une situation d’emprise psychologique ou de jalousie excessive imposée par leur conjoint, 15 % ont déjà subi des coups portés par leur partenaire ou ex-partenaire (20 % chez les 50-64 ans).
Le nombre de victimes de violences conjugales a augmenté de 21 % entre 2020 et 2021 : 143 morts violentes au sein du couple ont été recensées par la police et la gendarmerie, contre 125 l’année précédente.
Les femmes représentent 85 % de ces mortEs, les stéréotypes de genre, les clichés sexistes et les situations de sexisme quotidien continuent d’être banalisés. 57 % des femmes ont déjà subi des blagues ou remarques sexistes, 41 % un déséquilibre dans les tâches ménagères, 41 % des sifflements et gestes déplacés de la part d’un homme, 38 % des situations de « mansplaining », 29 % des remarques faites sur leur tenue ou physique…
Des violences qui ont émergé plus récemment sont aussi recensées : violence en ligne, virulence accrue sur les réseaux sociaux, barbarie dans de très nombreuses productions de l’industrie pornographique.
L’enquête met également en lumière comment les femmes adaptent leur vie au sexisme qu’elles anticipent : façon de se vêtir, conduite d’évitement, activités seules, renoncement à une voie d’étude ou professionnelle… Ainsi 93 % des personnes interrogées estiment que les femmes et les hommes ne connaissent pas le même traitement dans au moins une des sphères de la société (travail, espace public, école, famille…). Ce consensus autour du traitement inégal entre femmes et hommes suscite dans l’opinion le sentiment très net qu’il est plus difficile d’être une femme qu’un homme dans la société actuelle.
Si la population reconnaît et déplore l’existence du sexisme, elle ne le rejette pas en pratique. Ce phénomène se rencontre particulièrement chez les hommes interrogés. Ils sont beaucoup moins nombreux que les femmes à constater les inégalités de traitement. Il y a davantage de conservatisme chez les hommes les plus âgés : tout en considérant les deux sexes égaux, ils enferment les unEs et les autres dans des rôles sociaux très stricts. Mais, parmi les hommes de moins de 35 ans, on observe un ancrage plus important des clichés « masculinistes » et une plus grande affirmation d’une « masculinité hégémonique », qu’ils semblent percevoir comme une valorisation de leur genre.
Ce décalage entre perception, déclarations et pratiques a des conséquences tangibles en matière de violence symbolique, physique, sexuelle, économique. Du sexisme banalisé au quotidien, à ses manifestations les plus violentes, il existe un continuum des violences, l’un faisant le lit des autres.
Selon ce rapport, les personnes interrogées expriment un manque de confiance important à l’égard des pouvoirs publics quant à l’efficacité des moyens de lutte contre le sexisme. Toutefois l’intervention des pouvoirs publics est tout particulièrement attendue par l’opinion.
2 milliards par an pour un plan de lutte contre les violences
Le HCE propose des pistes d’action en urgence pour enrayer ce phénomène sous la forme de 10 recommandations. Elles reposent sur plusieurs axes : agir sur les mentalités dès la petite enfance, sur l’éducation sexuelle et affective, les choix d’études ; agir sur les médias et réguler les contenus numériques ; renforcer la protection des femmes en milieu scolaire avec la lutte contre le harcèlement ; renforcer la lutte contre les violences sexistes et sexuelles en politique ; rendre les services publics plus performants pour l’accueil des femmes victimes et le suivi judiciaire des plaintes…
Le chantier est immense et nécessite des moyens importants. Les féministes chiffrent à environ 2 milliards par an les besoins pour un véritable plan de lutte contre les violences. Pour obliger l’État à faire face à ses responsabilités nous devons plus que jamais être mobiliséEs !