Depuis le 22 avril, le City Plaza Hotel, dans le centre d'Athènes, a été récupéré par des militant.e.s d'extrême gauche pour y loger 330 migrant.e.s. Cet hôtel à l'abandon depuis des années s'est transformé en lieu de vie collectif et autogéré, et les réfugié.e.s y trouvent hébergement, nourriture et soins médicaux.
Une affiche faite à la main indique à l'entrée : « L'hôtel Plaza est complet ». Depuis le 22 avril, le City Plaza Hotel, dans le centre d'Athènes, a été récupéré par des militant.e.s pour y loger des migrant.e.s. De 115 personnes le premier jour, le nombre de migrant.e.s hébergé.e.s est rapidement passé à 330, soit quatre ou cinq personnes par chambre. Des conditions d'accueil qui ne sont pas idéales mais elles restent bien meilleures que dans les camps de fortunes installés en différents endroits de l'Attique.
Un lieu de vie collectif et autogéré
Un groupe de militant.e.s monte la garde au rez-de-chaussée, un autre se tient derrière le guichet de la réception pour y accueillir les bénévoles et mêmes des visiteurs : Olga, membre du collectif de soutien, reçoit un groupe d'étudiant.e.s allemand.e.s curieux/euses d'en savoir plus sur cette expérience originale. Au premier étage se trouvent la cuisine, la salle à manger et une salle reconvertie en garderie. Une centaine d'enfants sont accueilli.e.s dans l'hôtel, avec leur famille. « C'est le plus gros problème qu'on n'avait pas anticipé : comment faire tenir en place cents gamins », plaisante Olga. Si le squat tient jusqu'à la rentrée des classes en septembre, les enfants pourront peut-être aller à l'école.
Les 330 migrant.e.s hébergé.e.s dans l'hôtel viennent principalement de Syrie et d'Afghanistan, mais aussi d'Iran, d'Irak, ou encore de Somalie. La plupart n'ont pas de titre de séjour, et une majorité d'entre eux/elles n'a pas déposé de demande pour obtenir le statut de réfugié.e car ils/elles ne souhaitent pas rester en Grèce. S'ils/elles restent ici, les chances de trouver un emploi et de pouvoir subvenir à leurs besoins sont maigres. Mais d'autre part, le passage de la frontière est de plus en plus difficile et de plus en plus coûteux, trop coûteux pour les habitant.e .s de l'hôtel.
L'hôtel récupéré accueille des personnes aux nationalités mais aussi origines sociales variées : les Syrien.ne.s étaient souvent de classe moyenne avant de fuir leur pays, tandis que les Iranien.ne.s étaient plutôt des ouvrier.e.s, les kurdes syriens pour leur part étaient généralement des paysan.ne.s. La vie commune ne va pas sans quelques tensions, notamment autour de l'accès à la nourriture, mais les conflits restent limités.
Dans le hall du premier étage, un énorme planning des tâches est affiché au mur. L'hôtel se veut être un lieu de vie collectif et auto-géré, avec une rotation des tâches et des règles de vie communes que migrant.e.s comme bénévoles se doivent de respecter. Des bénévoles assurent la traduction pour l'organisation de la vie quotidienne et pour les assemblées générales qui se tiennent trois fois par semaine. Quelques chambres sont utilisé.e.s par des bénévoles qui dorment sur place ainsi que pour les bénévoles internationaux qui viennent observer et participer à cette expérience. Les militant.e.s partagent les repas avec les migrant.e.s, ce qui fait plus de 1000 portions à servir chaque jour. C'est l'enjeu le plus important pour le moment : s'assurer qu'il y ait assez nourriture pour tout le monde. Outre les dons d'argent qui permettent d'acheter des provisions, certain.e.s commerçant.e.s des marchés vendent à des prix très bas en solidarité, tandis que les marchand.e.s de poissons donnent leurs invendus. L'hôtel récupéré fournit aussi des soins médicaux : tous les après-midi, des médecins, psychiatres et pédiatres bénévoles viennent consulter.
Un squat rendu possible par la solidarité des travailleurs/euses
L'hôtel a été récupéré à l'initiative de différents collectifs de soutien aux migrant.e.s, principalement composés de militant.e.s d'extrême gauche. Le projet a été longuement discuté parmi les militant.e.s : s'engager dans une telle opération signifiait s'impliquer très fortement pour un temps indéfini, et se confronter à de nombreux problèmes qu'il est impossible d'anticiper (combien de migrant.e.s resteront ? Combien de temps le squat tiendra-t-il ?). Le City Plaza Hotel était à l'abandon depuis sept ans, après que le propriétaire ait fait faillite. Les employé.e.s de l'hôtel n'ont pas été payé.e.s pendant un an et demi avant la fermeture. Légalement, si les murs restent au propriétaire, les meubles et l'équipement appartiennent désormais aux ancien.ne.s travailleurs/euses, comme dédommagement des salaires non perçus. Le jour de l'ouverture du squat, le propriétaire est venu sur les lieu pour menacer les militant.e.s, et il a déposé une plainte en justice. Les ancien.ne.s travailleurs/eux pour leur part se sont rendu.e.s à l'hôtel pour se déclarer solidaires des migrant.e.s, en affirmant que leur propriété était utilisée pour la bonne cause. « C'était un moment émouvant » confie Olga.
La solidarité des travailleurs/euse a aussi permis que l'hôtel soit approvisionné en eau : les bénévoles se sont en effet tourné.e.s vers le syndicat des travailleurs/euses du réseau de distribution d'eau qui a pris la responsabilité de connecté l'hôtel au réseau. La même démarche a été faite auprès du syndicat des travailleurs/euses du réseau d'électricité, mais sans succès pour le moment. Actuellement l'hôtel est illégalement branché sur l'électricité d'un chantier voisin.
« Faire un exemple »
L'hôtel est situé dans un quartier déshérité d'Athènes. Tenir un squat pour y accueillir des migrant.e.s revêt un sens particulier à cet endroit: il y a quelques années, c'était une des zones d'influence du parti néo-nazi Aube Dorée, qui y a mené des ratonnades. Le climat a changé après l'assassinat du rappeur militant Pavlos Fissas et les procès des dirigeants d'Aube Dorée, mais les bénévoles de l'hôtel restent très vigilant.e.s et organisent des rondes toutes les nuits.
Les relations entre les occupant.e.s de l'hôtel récupéré et les habitant.e.s du quartier sont plutôt bonnes. Certes, le jour de l'ouverture du squat, des riverain.e.s sont venu.e.s se plaindre et insulter les militant.e.s. Mais l'hôtel récupéré semble jusqu'ici plutôt bien accepté : le voisin qui était le plus virulent le jour de l'ouverture du squat est revenu quelques jours plus tard pour s'excuser et féliciter les bénévoles !
La récupération du Plaza Hotel n'est pas une démarche humanitaire : elle permet certes d'offrir un hébergement, mais aussi et surtout de « faire un exemple » en ouvrant un lieu de vie collectif, auto-organisé, inséparable d'un discours politique anticapitaliste et antiraciste. Plus spécifiquement, sur la question de la migration, Olga résume ainsi la position commune des bénévoles : « La liberté de circuler et le droit de rester ».
D'ici quelques jours, le premier bébé de l'hôtel va naître, et les parents ont demandé aux bénévoles de choisir un prénom grec. Olga précise, à moitié sérieuse : « ça va être le principal sujet de la prochaine assemblée générale ».
A Athènes, Tiziana Loup, 7 mai 2016
A Athènes, les réfugié.e.s manifestent contre l'austérité
Dimanche 8 mai, le parlement grec votait des mesures d'application du memorandum signé avec la Troika en juillet dernier. Parmi les mesures les plus contestées et les plus désastreuses pour la population grecque, la réforme de l'`assurance sociale prévoit un alignement vers le bas des régimes spéciaux et une diminution des pensions de retraites. A l'appel de l'extrême-gauche grecque, d'Unité populaire à Antarsya, en passant par le Parti communiste et des organisations anarchistes, un rassemblement a réuni quelques milliers de personnes sur la place Syntagma dimanche soir. Une manifestation d'environ 300 personnes est partie de l'Hotel Plaza (un hôtel à l'abandon squatté où vivent des centaines de réfugié.e.s) pour rejoindre la place Syntagma. Migrant.e.s, soutiens et militant.e.s kurdes d'Athènes ont convergé avec le rassemblement anti-austérité au cri de « on vit ensemble, on lutte ensemble ». Un bel exemple de convergence des luttes !
A Athènes, Tiziana Loup