Dorénavant les ressortissants de Bosnie et d’Albanie seront exemptés de visa pour se rendre en Europe. Cette mesure est toutefois réversible. En Bosnie, elle concerne les seuls musulmans, les Serbes et les Croates ayant souvent la double nationalité. Et les autorités bosniennes ont dû, au préalable, prendre diverses mesures pour se conformer aux exigences de la communauté internationale.Les accords de Dayton de 1995 ont placé la Bosnie sous tutelle de la communauté internationale et donné 30 jours aux combattants étrangers pour quitter le pays. Pour beaucoup d’entre eux, ces combattants n’étaient plus étrangers, mais Bosniens. Promulguée en 2005, la loi portant révision de la nationalité prévoit d’examiner les modalités de son obtention pour ceux qui l’auraient acquise entre avril 1992 (début de la guerre) et 2006.
C’est donc avec l’assentiment de l’Europe et des États-Unis que le pouvoir de Bosnie Herzégovine a concocté une loi ad hoc lui permettant de se débarrasser des ressortissants venant de pays arabes ou musulmans et vivant depuis 10 ou 30 ans sur son sol. Officiellement, la nationalité a été ôtée à 441 ressortissants bosniens, les Turcs, les Égyptiens, les Syriens, les Soudanais, les Tunisiens, les Algériens et les Jordaniens en constituant l’essentiel. Nombre d’entre eux, originaires de pays dans lesquels ils seraient en danger d’être tués ou torturés, ont demandé l’asile ou le droit au séjour qui leur ont été refusés, alors que leurs épouses et leurs enfants sont bosniens.
Devenus sans-papiers alors qu’ils avaient été reçus à bras ouverts, ils ont multiplié les manifestations à Zenica et Sarajevo et engagé des procédures devant la Cour suprême de Bosnie, puis devant la Cour européenne des droits de l’homme. En parallèle, des dizaines d’autres ont pris la fuite, souvent avec leurs familles bosniennes, pour demander l’asile en Europe ou continuent d’errer à la recherche d’un pays d’accueil. Certains de ces pays n’ont pas hésité à les renvoyer dans leur pays d’origine où ils ont été immédiatement arrêtés, torturés et emprisonnés. Quant aux personnes placées au centre de rétention de Lukavica, soudainement considérées comme une menace pour la sécurité du pays, si trois d’entre elles ont été expulsées, cinq autres y sont depuis plus d’un an et une depuis deux ans, la rétention s’avérant de facto illimitée.
Luiza Toscane