Le 24 janvier, le Tribunal régional fédéral de la 4e Région a confirmé la condamnation de l’ancien président Lula pour corruption, dans une affaire concernant la prétendue propriété d’un appartement à Guarujá (São Paulo). Lula est devenu inéligible, en vertu d’une loi promulguée par son gouvernement. Et il peut désormais être arrêté.
Il y a plusieurs autres procès contre Lula, qui sont toujours en cours. Il ne fait aucun doute qu’il y avait de la corruption dans son gouvernement (comme dans tous les autres gouvernements brésiliens dans les dernières décennies). Et il ne fait aucun doute que Lula y a participé, et qu’il doit exister des preuves contre lui.
Une condamnation politique
Mais dans l’affaire récemment jugée, les preuves sont extrêmement douteuses. Sa condamnation a été certainement motivée par les intérêts politiques de la majorité de la droite brésilienne. Des élections générales sont prévues en octobre et, en ce qui concerne la présidence de la République, tous les sondages placent Lula loin devant les autres candidats, tant au premier qu’au second tour. Pour cette raison, il se dit à juste titre (et pas seulement à gauche) que cette condamnation est une continuation du coup d’État parlementaire qui a chassé Dilma Rousseff du pouvoir.
Après le jugement, le PT a réaffirmé la candidature de Lula, bien qu’il ne soit pas éligible. Des appels seront déposés contre la condamnation. En outre, la loi permet l’enregistrement de sa candidature (en août), et ce n’est qu’après qu’elle pourra être contestée. Et comme le PT peut faire appel de la contestation, il est même possible que Lula puisse être élu, et c’est alors sa prise de fonction qui sera refusée.
Les récents sondages effectués ont montré que, jusqu’à présent, la confirmation de la condamnation n’a pas réduit les intentions de vote pour Lula. En outre, ils montrent qu’un candidat soutenu par lui aurait moins de votes que lui, mais irait au second tour. Il est possible que le PT maintienne la candidature de Lula et le remplace seulement quelques semaines avant l’élection.
Une gauche divisée
Dans ce scénario confus, la gauche brésilienne s’est divisée au cours des dernières semaines entre au moins quatre positions.
Si l’on considère le PT et ses alliés comme faisant partie de la gauche, on peut dire que cette dernière s’est largement élevée contre la condamnation de Lula, qu’elle a défendu son droit à être candidat, et affirmé qu’elle soutenait (ou pourrait soutenir) sa candidature. Ces secteurs ne croient pas nécessairement en « l’innocence » de Lula mais sont à l’image ce cette partie de la population qui, selon les enquêtes, le croit coupable mais a l’intention de voter pour lui.
Une deuxième partie de la gauche, critique des gouvernements du PT (politique de collaboration de classes, défense des intérêts bourgeois et politique de démobilisation populaire), a toutefois participé à des mobilisations en défense de Lula en essayant, autant que possible, de se démarquer du « Lulisme ». Ce secteur est formé par une partie minoritaire du Partido Socialismo e Liberdade (PSOL), par une partie très minoritaire du mouvement syndical et par une partie minoritaire des mouvements populaires, et a l’intention de présenter un candidat à la présidence.
Des débats qui se poursuivent
Ces deux secteurs de la gauche ont essayé d’organiser des manifestations à grande échelle contre la condamnation de Lula. Elles ont été significatives (des milliers, voire quelques dizaines de milliers de participants), mais plus petites que prévu. Beaucoup de gens ont l’intention de voter pour Lula, mais ne se mobilisent pas pour sa défense.
Un troisième secteur de la gauche, constitué par la majorité des militants du PSOL, n’a pas participé aux manifestations, comprenant qu’elles seraient conçues comme faisant partie de la campagne de Lula. Ce secteur, tout en dénonçant le caractère politique des jugements qui l’ont déjà condamné, et en défendant le droit de Lula à se présenter comme candidat, met toutefois en avant ses critiques des gouvernements du PT.
Enfin, un quatrième secteur de la gauche, tout en ayant une position critique sur les jugements qui ont condamné Lula, soutient qu’il devrait être condamné et emprisonné et, dès lors, ne défend pas son droit à être candidat. Cette position est partagée par une petite minorité de militants du PSOL, par le PSTU (Partido Socialista dos Trabalhadores Unificado, un petit parti « moréniste ») et la majorité de la centrale syndicale la plus à gauche au Brésil, la CSP-Conlutas (dont la direction est liée au PSTU). Dans les semaines et les mois à venir, ces débats se poursuivront.
À São Paulo, João Machado