Lors des dernières élections en 2017, Theresa May avait promis un gouvernement « fort et stable ». Un an et demi plus tard il est en train d’exploser sur la question du Brexit.
Après la démission en juillet du ministre en charge des négociations du Brexit et du ministre des Affaires étrangères, cinq nouveaux ministres viennent de claquer la porte, et d’autres pourraient bientôt faire de même.
Depuis le référendum, May cherche à négocier l’impossible : un Brexit « dur » pour garder le soutien de l’aile anti-européenne de son parti, tout en cherchant à maintenir un accès privilégié au marché intérieur de l’UE pour les entreprises basées au Royaume-Uni. Le rapport de forces étant largement en faveur des 27 autres pays de l’UE – le Royaume-Uni a davantage besoin du marché de l’UE que le contraire – ils lui ont fait payer cher sa décision de quitter l’UE, poussés en cela par le noyau dur de la France et de l’Allemagne qui ne souhaitent aucunement que d’autres pays soient tentés d’imiter le Royaume-Uni.
Dedans sans y être ?
L’accord final prévoit une période de transition jusqu’à décembre 2020 où le Royaume-Uni resterait dans l’union douanière, suivie, si nécessaire, d’une extension provisoire, le temps de trouver un accord sur le commerce. En gros, le Royaume-Uni devra accepter les régulations économiques décidées par l’UE, sans avoir aucune influence dessus, pendant une période qui, sans le consentement des deux parties, pourrait durer quasi indéfiniment.
L’accord prévoit également, pendant une période transitoire et dans l’attente d’un accord définitif, une frontière ouverte entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord, avec donc l’accès de cette dernière au marché intérieur de l’UE, ce qui compliquerait les échanges avec le reste du Royaume-Uni. Les Unionistes protestants qui, par leurs votes, assurent, pour l’instant (!), la survie du gouvernement de May, ont déjà annoncé qu’ils voteront contre l’accord.
Devant le spectre d’une sortie « sans accord », avec le chaos aux frontières et l’effondrement économique que cela pourrait provoquer, Theresa May a accepté la proposition de l’UE et, à l’aide de ce chantage, espère convaincre le Parlement britannique, dont peut-être une partie de l’aile droite des travaillistes, de la voter.
Vers de nouvelles élections ?
Le leader des travaillistes, Jeremy Corbyn, a rejeté l’accord et, si May n’obtient pas de majorité pour sa proposition au Parlement, la question de nouvelles élections pourrait bien se poser. En 2017, où les travaillistes ont failli gagner, Corbyn a su très habilement éviter que sa campagne soit une répétition du référendum pour la centrer sur les questions essentielles comme la santé, le logement, les services publics et l’emploi. Il a su résister aux attaques féroces des médias mais aussi aux appels, y compris de ses « amis », à diluer son programme pour être plus « éligible ». Cette fois-ci la pression est encore plus forte. Plus que jamais il y aura besoin de renforcer les mobilisations dans tous les secteurs, d’une part pour soutenir Corbyn quand il prendra des mesures positives et pour mettre la pression quand il y renoncera, mais d’autre part et surtout pour montrer qu’au total nous ne pourrons vraiment compter que sur nous-mêmes et notre force pour gagner.
En Grande-Bretagne en ce moment le niveau général des luttes n’est pas au plus fort mais parfois la colère, qui est très présente, explose. Cette année, deux énormes manifestations de salariéEs de la santé ; en juillet, 250 000 manifestantEs contre la visite de Trump à Londres et, pas plus tard que samedi 17 novembre, 40 000 à Londres contre le racisme et le fascisme. Le potentiel est là.
Ross Harrold